Babacar Touré nous a quittés avant-hier, sur la pointe des pieds. Il a inhumé hier à Touba. Toute la Nation lui a rendu un vibrant hommage, très mérité du reste.
En vérité, nos chemins se sont peu ou pas du tout croisés. C’est normal, c’était un ‘’grand’’ et nous, nous faisons encore partie des ‘’petits’’ dans une profession où l’humilié est la règle d’or.
Mais, au regard de tout son parcours que nous avons largement suivi et des témoignages de confrères dont nous connaissons la véridicité, on peut dire sans risque de nous tromper que Babacar Touré était un pionnier de la presse privée, un formateur et un monument.
Démocrate, il a participé à tous les combats pour l’éclosion de l’Etat de droit. Humble, il ne se faisait pas remarquer.
Pondéré et honnête, il n’était mêlé à aucun scandale connu. Respecté, de hautes personnalités au Sénégal et en Afrique, revendiquaient son amitié.
Il s’était retranché à Ngaparu, un coin qui a quelque chose de magique parce que favorisant la réflexion dans un calme que troublent, parfois, les vagues de la mer.
Son humilité l’a amené même à rejeter certaines propositions de postes de responsabilité publique. Il a n’a occupé la tête du Cnra que parce qu’il savait qu’il était encore dans son rôle d’émancipation et toilettage de la presse.
C’est clair alors que Babacar était une réussite professionnelle, sociale, un exemple de probité morale.
La preuve qu’un journaliste peut se faire respecter en restant attachés aux principes de son métier.
Car, pratiquement tout le monde dans ce métier sait exactement ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire. Un cours d’éthique et de déontologie n’est pas indispensable.
Tous ceux qui tendent la main, versent dans des compromissions et des marchandages savent très bien être en porte-à-faux avec les principes.
Ce qu’ils ignorent par contre, c’est qu’ils ne se font pas respecter. Et ce manque de respect rejaillit sur toute la profession que les jeunes étudiants ont tendance à boycotter au profit de la communication ou du marketing. Parce qu’on leur dit que si vous êtes honnêtes dans l’exercice de ce métier, vous allez mourir dans les bus en portant des jeans. Or, c’est faux. Le journalisme, comme toutes les professions, peut nourrir son homme et même le hisser du haut des pinacles.
Cependant, comme partout ailleurs et plus que dans les autres domaines, il faudra s’armer de courage de résilience, de sens du devoir bien fait, de compétence et de perspicacité.
Rien n’est donné, tout s’arrache. Ou si, ceux qui vous donnent vous regardent de haut et vous toisent.
Pis, ils vont vous vilipender et au mieux, ne vont plus vous respecter. En clair, on ne marchande pas les articles ou les émissions sauf au niveau commercial, dans un cadre bien réglementé.
Babacar nous a montré et démontré qu’on peut réussir tout en étant honnête. La preuve, le journalisme mène à tout. Et ceux qui s’y sentent à l’étroit doivent débarrasser le planché pour faire autre chose.
Bien sûr, la précarité du statut de nombreux journalistes incite, à chaque instant, à la violation de règles élémentaires de base. Et la course à l’audimat fait le reste dans un contexte de concurrence sauvage.
Des explications qui ne sont nullement des justifications à la naissance de ce qu’on appelle la ‘’racaille’’ pour qualifier ces chausseurs professionnels de perdiems.
Des hommes comme Babacar Touré nous ont appris que l’on peut être journaliste dans la dignité. Ici, on ne peut pas éviter le contact, mais il faudra aussi maintenir la distance. Exactement comme le préconisait Hubert Beuve-Méry.
Assane Samb