Quand le calcul politicien dicte sa loi !

par pierre Dieme

Alors qu’il est attendu sur le traitement qu’il fera des différents rapports de corps de contrôle qu’il a reçus cette année, dont en dernier ceux de l’IGE sur la période 2016, 2017 et 2018-2019, le président de la République, Macky Sall, est dans un dilemme cornélien. Avec l’approche des prochaines élections locales prévues avant le 28 mars prochain, le chef de l’Etat qui est également président de l’Alliance pour la République (Apr) est appelé à arbitrer entre sa promesse de reddition des comptes et la «protection» de ses partisans épinglés en matière de mal gouvernance, dans le souci de consolider les bases de sa formation politique, voire la nécessité de conforter l’assise politique de son quinquennat.

L’année 2020 restera certainement gravée dans les annales de l’histoire politique du Sénégal. En effet, en plus de coïncider avec le premier anniversaire de la réélection de l’actuel chef de l’Etat, Macky Sall, cette année a été également très fournie en termes de rapports de corps de contrôle.

Ainsi, entre le mois de janvier et celui de juillet, près de huit documents d’évaluation de la manière dont sont gérées les affaires publiques, pour ne pas dire le bien commun, ont été remis entre les mains du chef de l’Etat qui s’était engagé à inscrire la bonne gouvernance au cœur de sa gestion. Ces rapports ont été le fait des différents corps de contrôle publics dont l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac), l’Inspection générale d’État (Ige), la Cour des comptes ou encore l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp, rapport 2016).

Ces institutions, comme dans leurs précédents rapports, ont encore épinglé la gestion de plusieurs proches collaborateurs de l’actuel chef de l’Etat, responsables d’actes notoires de mal gouvernance en totale rupture avec la gestion dite « sobre et vertueuse » de la quatrième République. Une situation qui n’est pas du tout à arranger les choses pour le président de la République, Macky Sall.

Seul habilité à décider de la suite à donner aux rapports d’organes de contrôle, Macky Sall, également président de l’Alliance pour la République (Apr) se retrouve ainsi entre l’enclume de sa promesse de reddition des compte et de transparence dans la gestion des affaires publiques et le marteau de calcul politique qui pourrait le pousser à mettre encore sous le coude ces fameux rapports incriminant certains de ses proches, souvent grands électeurs, dans le souci de consolider les bases de sa formation politique et de conforter l’assise politique de son quinquennat.

Et pour cause, le déclenchement d’une procédure judiciaire en cette veille d’élections locales prévues avant le 28 mars prochain contre tous ses proches épinglés ou soupçonnés de malversations ne serait pas sans conséquence pour son parti, l’Alliance pour la République, qu’il est en train de massifier par tous les moyens en enrôlant à gauche et à droite avec des membres de l’opposition casés à certains postes clés (Pca et autres). Car la plupart des responsables sur qui pèsent aujourd’hui des soupçons de malversations sont soit à la tête des collectivités territoriales soit des candidats potentiels de l’Apr au niveau de leurs localités. Face à cette situation, il faut dire qu’il est très peu probable de voir l’actuel chef de l’Etat qui a déjà mis aux oubliettes de précédents rapports de ces organes de contrôle incriminant ses proches, décider enfin de laisser la machine judicaire faire son travail de suivi des documents en question.

D’ailleurs, lors de sa déclaration à la suite de la réception des rapports publics sur l’état de la Gouvernance et de la Reddition des comptes 2016, 2017, 2018, 2019 de l’Inspection générale d’État (Ige), Macky Sall n’a pas fait état d’aucune sanction. «Les rapports sur l’état de la Gouvernance et de la Reddition des Comptes, produits par l’Ige, invitent à l’introspection et à la responsabilité, individuelle et collective, afin d’avancer résolument dans la transformation de l’action publique pour consolider un Etat performant». De là à imaginer que Macky Sall se joue encore des corps de contrôle sous la dictée de ures considérations politiques, il n’y a qu’un pas que le moindre observateur franchit aisément. *

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