Lamine Ba : « Nous sommes au paroxysme de la mal gouvernance (…) C’est aux Sénégalais de prendre leurs responsabilités si la justice ne fait pas son travail. »

par pierre Dieme

Lamine Bâ, président de la fédération nationale des cadres libéraux du Pds dans l’entretien qu’il nous a accordé, invite le Chef de l’État, Macky Sall, à tirer des leçons sur la situation au Mali où la population a décidé de sauver sa démocratie. Il est revenu sur le mimétisme du Procureur de la République sur les rapports de l’Ige qui ont décelé des scandales. Le patron des cadres du Pds souligne que le régime de Macky Sall est en chute libre avec ces accusations et guerres par presse interposés de dignitaires qui s’adonnent à des révélations et déballages tous azimuts. Il ne s’est pas empêché de s’exprimer sur le cas Oumar Sarr et ses camarades qui ont quitté la barque du Pds. Sur ce sujet, il souligne que c’est un non évènement pour le parti, puisqu’ils sont des tonneaux vides, mais il les a avertis dans la foulée.

Quel est votre sentiment sur la création de parti par Oumar Sarr et les autres dissidents du Pds ? 

Ils sont partis depuis longtemps. Quand Madické Niang est parti. Quand Modou Diagne Fada est parti, Oumar Sarr avait dit que le Pds ne reconnaît pas de courant. C’est lui qui était là. Quand lui, Oumar Sarr, créé un courant, il s’applique la même jurisprudence. Depuis qu’ils ont pris la décision de créer un courant, on a pris nos dispositions. Même Wade avait sorti un communiqué pour dire qu’Oumar s’est auto-exclu. Cette affaire n’est plus d’actualité chez nous. Nous sommes dans autre chose depuis très longtemps. C’est après sa participation au dialogue national de Macky Sall, qu’on a fait un nouveau secrétariat national. Si aujourd’hui ils décident de créer un parti politique, c’est leur droit le plus absolu. Ils n’ont qu’à aller conquérir la confiance des sénégalais. Le débat est clos au niveau du Pds. 

Ne pensez-vous pas que ce sont des forces en moins pour le parti ? 

Pensez-vous pouvoir retenir quelqu’un qui n’est plus dans la ligne du parti ? Mieux vaut chercher d’autres qui sont dans la ligne du parti. Ou qui sont prêts à épouser les idées du parti et les directives de la direction du parti. On ne se prend pas la tête pour ça. Pour moi, c’est un non-évènement. 

Comment se porte le Pds ? 

Le Pds se porte à merveille. Nous sommes sous la direction de notre secrétaire national Me Abdoulaye Wade qui est en train de travailler avec ses collaborateurs pour scruter l’avenir du parti et envisager de nouvelles perspectives. Le parti bouge. Nous sommes dans tout le pays pour faire des activités à connotation purement sociale. Nous sommes dans la lutte contre la covid-19. Le parti a pris des décisions allant dans le sens de conforter les mesures barrières et de demander aux militants de se confiner. Par le canal de notre candidat, nous avons soutenu l’État du Sénégal. C’est ce que nous pouvons faire pour l’instant. Aucun parti n’a fait plus que nous dans cette guerre contre la covid-19. La nouvelle direction travaille pour répondre aux directives du frère secrétaire général national, Me Abdoulaye Wade. 

Des voix bien autorisées soutiennent que ce sont des « canards boiteux » qui quittent le parti. Est-ce votre avis ? 

Je n’ai pas de jugement de personne à faire sur eux. Politiquement parlant, je ne vois aucun incident ou problème que leur départ pourrait créer dans le parti. En termes de représentativité, dites-moi ce qu’ils représentent au-delà d’Oumar Sarr. Politiquement, je ne vois pas ce que cela peut faire. Si après c’est des gens qui vont aller dans les radios et les télévisions pour insulter le Pds, pour ça, les sénégalais sont assez conscients pour déceler le vrai du faux. 

Que pensez-vous des sorties par presse interposée des dignitaires du parti au pouvoir ? 

C’est le début de la fin. Les membres du même parti qui ne s’entendent sur rien. Un parti qui est dans tous les scandales de ce pays. C’est les leaders du parti qui s’accusent mutuellement. Nous espérerons que la justice éclairera tous ces scandales. C’est le seul intérêt qui me concerne. Sinon, c’est une cuisine interne qui ne me concerne pas. Ce que nous ressentons, c’est qu’aujourd’hui avec ce comportement des leaders, l’État est en train de  prendre énormément de coups, la démocratie pareil. Les Sénégalais le savent. 

Qu’attendez-vous du Procureur sur cette question et du déballage de scandales ? 

Quel Procureur ? 

Le Procureur de la République, Serigne Bassirou Guèye ? 

Je me demande s’il est là ces temps-ci. Est-ce qu’il est là le Procureur? Vous êtes journaliste, vous entendez autant de scandales. Vous n’entendez pas le Procureur. Je me dis s’il n’est pas en vacances pour l’instant. 

À votre avis, le Procureur doit s’autosaisir ? 

Effectivement, il doit le faire. Rappelez-vous  

des conférences de presse que lui-même avait organisées il y a huit mois, lui qui nous avait promis de se prononcer sur des dossiers. On ne l’entend pas. Aujourd’hui on agite des scandales, des accusations sont portées contre des dignitaires de ce régime, des actes de mal gouvernance ont été indexés. Je me demande où est le Procureur ? A-t-il la prérogative de s’autosaisir ? Il l’a. Il ne l’a pas fait. Je me demande s’il est là. Quand un Moustapha Cissé Lô nous dit qu’il y a des scandales dans le Ter, dans le building administratif, les sénégalais de bonne foi s’attendent à ce que le Procureur s’autosaisisse, ouvre une enquête et y voit clair. Mais ce n’est pas le cas. On ne l’entend pas. On ne le voit pas. 

Est-ce qu’il n’est pas en train de réunir toutes les informations nécessaires ? 

Il aurait pu nous annoncer qu’il s’est saisi du dossier et qu’il cherche les informations. Là au moins, on pourrait comprendre. Comme il a eu l’habitude de faire des conférences de presse pour dire l’état d’avancement des dossiers qui l’intéresse. Voilà des dossiers qui intéressent les Sénégalais sur lesquels il y a des doutes et il ne se prononce pas. 

Votre avis sur l’affaire des Oryx morts dans le parc privé du ministre de l’Environnement ? 

Nous demandons qu’il démissionne et qu’il soit traduit devant la justice. D’ailleurs, notre parti a sorti un communiqué. C’est une question de bonne gouvernance. Il doit démissionner en attendant que la procédure judiciaire s’enclenche. Le Pds fera de son mieux. Nous sommes en train de chercher tous les éléments pour saisir la justice sur cette question. 

Un commentaire sur la publication des rapports de l’Ige des années 2016, 2017, 2018 et 2019? 

L’Ige fait son travail. A quoi sert la justice ? Où est le Procureur ? Où est Macky Sall qui avait promis bonne gouvernance, gestion sobre et vertueuse. Si lui est autant affecté par la mal gouvernance, par les scandales, les Sénégalais n’ont qu’à prendre et tirer les conséquences de cela. Nous sommes au paroxysme de la mal gouvernance. C’est aux Sénégalais de prendre leurs responsabilités si la justice ne fait pas son travail 

D’aucuns disent que tous ces rapports seront rangés aux oubliettes malgré les scandales ? 

Tout simplement, beaucoup de rapports ont été faits sans que cela génère une seule décision, une seule sanction. Les gens sont assez fondés pour tenir de tels propos. Aujourd’hui certains se demandent quelle est l’utilité de ces institutions, de ces corps de contrôle de l’État. Cela montre le niveau de reculade démocratique, les régressions que nous avons connues sous Macky Sall qui s’applique à compromettre la démocratie et à hypothéquer l’État de droit au Sénégal. 

Si le Pds revient au pouvoir, est-ce que tous ces rapports seront dépoussiérés pour sanctionner? 

On peut tout reprocher au Pds sauf de vouloir enfreindre la loi ou d’empêcher à ce que la justice soit faite dans le cadre de la bonne gouvernance. Sous Wade, des dossiers ont été montés contre des alliés d’Abdoulaye Wade. Ces dossiers ont fini à la justice qui a fait son travail et on a même sanctionné des gens, emprisonné des gens sous Wade. On n’a pas de problème avec le droit. On n’a aucun problème avec la bonne gouvernance. Ce que nous pensons, c’est que ceux qui gouverent, sachent que le Sénégal appartient aux Sénégalais. S’il y a des scandales qui ne sont pas élucidés maintenant, qu’ils sachent bien que demain d’autres feront la lumière sur ces dossiers. 

Un mot sur ce qui se passe au Mali ? 

C’est une situation regrettable que le Mali en arrive à ce point-là. C’est aux Maliens de se battre pour rétablir la démocratie, pour construire le pays qu’ils veulent. Avec ces soulèvements, ils pensent agir pour sauver ce qui reste de leur démocratie. C’est un combat que je respecte. C’est aux Maliens de nous dire, de mener ce combat. Nous nous intéressons à cette question. Nous regardons ce qui se passe. Mais nous ne pouvons pas faire de la météo-politique. C’est un pays bloqué, sa situation économique paralysée et nous pensons que cette situation doit très vite retourner à la normale pour permettre aux Maliens de retrouver la paix, la stabilité nationale et de s’accorder sur le développement de leur pays. On ne peut tirer des leçons de cette situation pour comprendre que la démocratie appartient au peuple et que les peuples mal gouvernés finiront par eux-mêmes régler la gouvernance dans leur pays. Et c’est des situations qui peuvent avoir des conséquences incommensurables. 

N’est-ce pas une manière de dire au président Macky Sall, regarde ce qui se passe au Mali ? 

Je n’ai pas besoin de le dire. Macky Sall a été élu dans ces conditions. C’est des soulèvements. Des manifestations tous azimuts sur toute l’étendue du territoire national. C’est parce que celui qui était là, a une maturité démocratique, a un attachement aux principes démocratiques qui font que le Sénégal s’en est sorti indemne. Si demain les gens ferment les yeux et veulent outre passer les valeurs démocratiques, pensant qu’ils peuvent faire valoir leurs ambitions personnelles sur l’ambition démocratique de tout un peuple, je pense que c’est peine perdue. Ils se trompent. Les gens doivent bien réfléchir sur la question du Mali…   

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