Abdoulaye Makhtar Diop, Grand Serigne de Dakar n’a pas mis de gants pour dire ce qu’il pense des questions de Covid-19, littoral, Sandaga, Ndingueler…
Le Grand Serigne de Dakar n’a pas mis de gants pour dire ce qu’il pense des questions de l’heure. Invité hier de l’émission «Grand Jury» de la RFM, Abdoulaye Makhtar Diop s’est prononcé sur la levée des restrictions liées la Covid-19, sur la brûlante question du foncier, mais également sur le bras de fer entre les populations de Ndingueler et l’homme d’affaires Babacar Ngom.
LEVEE DES RESTRICTIONS
« C’est une mesure pertinente dans la mesure où si l’état d’urgence et le couvre-feu étaient des mesures administratives susceptibles d’endiguer la propagation du virus, le virus aurait été endigué. Mais pour freiner la propagation, il y avait des mesures qui relevaient du comportement et de la discipline individuelle et collective des Sénégalais. Le président de la République a utilisé tous les moyens juridiques et légaux pour que l’Etat joue la part qui était la sienne dans l’endiguement et la lutte contre la pandémie. La vérité est que les chiffres que l’on donne et qui pensent mesurer les effets des décisions du président de la République ne sont pas bons pour être mis en corrélation. Au moment de la prise de décision, nous étions à 79 cas positifs dans le pays. Au moment de la levée définitive, il faut s’attarder sur la mesure intermédiaire d’assouplissement, essayer d’en connaître les raisons qui étaient un fort mouvement de protestation exprimée ou non, amplifiée par certains relais qui avaient amené le président de la République, au moment où on pensait s’approcher du pic, à lâcher du lest. A l’époque, j’avais bien souligné qu’il ne fallait pas déconfiner Dakar. Moi je pense que le président de la République a fait tout ce qu’il devait faire. Et en levant la mesure d’état d’urgence, il ne pouvait pas faire autrement. Dans les dix derniers jours, nous avions remarqué que les Sénégalais se comportaient comme s’il n’y avait pas état d’urgence.Ils se comportaient comme s’il n’y avait pas de couvre-feu et ils ne respectaient plus les mesures barrières. Donc, je pense que le président n’avait d’autre choix que de faire ça, plutôt que de réveiller un front social. »
DECONFINEMENT PARTIEL
« La société civile sous toutes ses formes ; si ces autorités avaient accompagné le président de la République dans ces mesures sanitaires pour l’Etat du Sénégal, on aurait pu en parler. DakarThiès-Diourbel est aujourd’hui l’axe du mal. Il faut le dire. Mais dans la région de Dakar, du point de vue des activités socio-religieuses, les imams, les associations religieuses ont commencé à mettre la pression pour permettre l’ouverture des lieux de culte. Quand il y a eu des incidents à la Médina, à Grand Yoff, à Touba, ville sainte où on a brûlé des pneus, aucune voix ne s’était élevée. Ce fut également la même chose lorsque les populations se sont rebellées contre les forces de l’ordre. Au contraire, les gens de la société civile demandaient à l’Etat de lever les mesures pour permettre aux activités socioéconomiques de reprendre. Aujourd’hui, la vérité et qu’il faut le dire aux Sénégalais, si nous en sommes arrivés à cette situation, c’est à cause des comportements que les Sénégalais n’ont pas condamnés. L’Etat ne dit pas qu’il laisse les Sénégalais vivre avec le virus. L’Etat dit qu’il s’organise pour que le moteur de la vie de ce pays soit assuré. Ce ne sont pas seulement les activités économiques. Le président avait à arbitrer. Et en toute honnêteté, je dis que le président Macky Sall, si on compare son action avec les autres chefs d’Etats africains et du monde, il a usé jusqu’à la limite de tous les moyens légaux dont il disposait pour protéger et notre pays et les Sénégalais. Mais malheureusement, il n’a pas été suivi. Et je crois que cela fait partie des leçons que nous devons tirer. Si nous étions en guerre réelle et que les balles crépitent, les gens allaient-ils demander que le commerce continue de fonctionner ? Est-ce que les gens allaient dire : « allons prier » ? Chacun allait trouver où se terrer. Quand il y a eu des bombardements en 1943, les gens ont déserté les rues de Dakar et les mosquées. Même pour le pain, c’était le rationnement. Dans des situations de ce genre, les populations ont un rôle à jouer. »
CHANGER LES NOMS DES RUES ET PLACES !
«Nous avions déjà commencé au milieu des années 1980. Toutes les rues de la Médina sont rebaptisées. Je suis d’accord pour qu’on rebaptise, mais il faudra faire très attention. Il ne faut pas que les gens prennent leurs pères et grands-pères car tout simplement ils sont ministres ; ou encore que votre grand-père n’a rien fait et vous lui attribuez une rue. C’est ça le grand débat. Je suis maire de tel coin, mon père a fait ceci ou cela, donc je lui donne le nom de cette rue. Nous avons eu ce genre de problème au niveau de Dakar. Un responsable politique dont le père était un boucher s’est levé un jour pour donner le nom d’une rue à son grand-père. Les gens l’ont rappelé à la raison. Il faut également laisser au pays, aux villes, une part de leur âme, quelle que soit la manière dont cette histoire a été faite. Si on rebaptise tout, nos petits-fils ne connaîtront pas du tout l’histoire. Il faudrait le faire avec beaucoup d’objectivité, voir la part de l’histoire qui n’agresse pas notre dignité. »
DEMOLITION DU MARCHE SANDAGA
« Moi en 1997 ou 1998, en tant que maire du Plateau, j’avais adressé une lettre au ministre de l’Intérieur dans laquelle j’avais souligné que nous dégagions notre responsabilité, car le marché était dangereux. Aujourd’hui, quel que soit le délai accordé, il faut refaire le marché Sandaga. C’est ça qui est honnête, juste et opportun. Il s’y ajoute que nos ménages, nous qui habitons Dakar-Plateau, nos familles n’ont plus de marchés où s’approvisionner. Les femmes du Plateau vont maintenant à la Médina pour s’approvisionner. Il n’y a plus de marché au niveau de Dakar Plateau. C’est ça aussi la vérité. C’est bien de tenir compte de la tabaski, mais il faudra refaire le marché. Pour Sandaga, il faudra le garder comme ce fut le cas pour la gare de Dakar. Il faudra garder l’architecture, aérer le cœur de Dakar et créer un marché avec toutes les commodités. Je crois que les gens devraient accompagner le ministre Karim Fofana qui fait un travail remarquable dans cette ville. »
LITIGE FONCIER DE NDINGUELER
« La responsabilité du maire et des conseillers municipaux de ces deux communes est engagée. Il faut laisser le président Macky Sall tranquille. Comment pouvez-vous comprendre qu’un maire élu pour représenter ses populations puisse donner 300 hectares à quelqu’un. S’il n’avait pas délibéré, le président de la République n’aurait pas à signer. Ce n’est pas normal. Si Babacar Ngom dit qu’il demande 300 hectares pour des exploitations agricoles, mais un bail aurait suffi, s’il a des moyens pour financer son entreprise. Pour la sécurisation de la terre et tenir au collet l’investisseur, le bail est la meilleure formule. S’il ne réalise pas le projet, vous retirez le bail. Qu’il s’agisse de Babacar Ngom ou quelqu’un d’autre, il faudra que l’on fasse très attention. On ne peut pas donner 200 ou 300 hectares à des gens pour une destination précise, pour ensuite les viabiliser et en faire des habitations. Il faut que les gens sachent qu’un maire est un agent de l’Etat. Et un agent de l’Etat est un agent de la commune. Un maire qui signe une autorisation est un agent de l’Etat. Il est agent de commune quand il exécute les décisions du Conseil municipal ».
INJURES ENTRE RESPONSABLES DE L’APR
«C’est une affaire qu’il faut condamner et sanctionner. Je ne peux pas comprendre, quel que soit ce qu’on peut appeler provocation venant d’un autre député, qu’un monsieur qui a été président du Parlement de la Cedeao, vice-président de l’Assemblée nationale, candidat déclaré à la mairie de Dakar, capitale du Sénégal, tienne des injures publiques de cette nature. C’est inadmissible et inacceptable. Il ne peut pas y avoir de sanctions administratives. Il reste maintenant à savoir si les messieurs qui font l‘objet de ces injures vont saisir ou pas la justice. Mais moi, je pense qu’on a dépassé toutes les bornes possibles, imaginables et inimaginables de l’insolence dans ce pays. »