Cher Madiba,
C’est vers votre image que je me tourne pour solliciter votre intercession afin que le Sénégal, mon beau pays, naguère terre de libertés et d’affirmation d’une identité africaine endogène, cesse sa mue négative qui le mène inexorablement vers un statut peu enviable d’état-nation carcéral.
De votre vivant, dont 27 ans passés dans les geôles du pouvoir ségrégationniste blanc Sud-africain, vous êtes resté, stoïque, ferme sur vos idées tout en devenant le plus célèbre prisonnier de l’histoire. Vous êtes célébré partout.
À l’intérieur de la plus célèbre prison du Sénégal, celle dite de Rebeuss, vers le centre de sa capitale, l’un des murs porte en dessin votre visage, peint par l’un de ses pensionnaires, avec cette formule, tirée de vos enseignements. “Seul votre corps est détenu ici”, y affirmez-vous, en direction de la population carcérale. “Votre esprit est libre”.
Chaque matin, pendant 53 jours quand j’y fus placé, suite à une prise d’otage politique dont j’avais fait l’objet, selon les méthodes de la police nazie de la Gestapo, importées cyniquement par le pouvoir illégitime du Sénégal, vos mots étaient mon principal réconfort.
Je m’arrêtais devant ce croquis réalisé par un artiste que je savais partagé entre sa pratique religieuse, tournée vers le Bayefallisme, une excroissance de la confrérie mouride, et son rêve de voir sa fille, brillante étudiante à l’université, réaliser la vie qu’il n’avait pu lui offrir en modèle.
Je voyais vos yeux et ils me parlaient. Ils me renvoyaient vers cette petite cellule carcérale de Robben-Island, devenue synonyme d’un lieu de détention aussi injuste qu’inique. Elle est désormais l’un des lieux de pèlerinages les plus courus au monde.
Séparation raciale
C’est d’ici que vous avez affronté et rusé jusqu’à faire tomber le régime de séparation raciale, connu en langue Afrikaans sous le nom apartheid, qui, de 1948 jusqu’à votre libération en février 1990, avait imposé un enfer sur terre, sur la terre de vos ancêtres, à la communauté noire de votre pays à laquelle vous apparteniez.
Je me revoyais debout tenant les barreaux de la modeste pièce, dépourvue de tout confort, où vos convictions vous avaient confiné.
Chaque jour, du 29 juillet au 20 septembre 2019, vous dévisager et boire vos mots devenait donc un rite auquel je ne pouvais me soustraire.
Cela me donnait une dose d’adrénaline indispensable à mon être. Mon courage montait aussitôt en gammes et se solidifiait à mesure que votre image me revenait à l’esprit.
Je pouvois vous revoir assis en face de moi, formant un duo, sans que je puisse imaginer, en cette matinée de février 1991, à la présidence de la République du Congo, que, 28 ans plus tard, j’aurai aussi mon propre vécu carcéral.
L’interview exclusive que j’avais recueillie de vous ce matin-là, fut un de ces coups fumants dont rêve tout journaliste.
Je l’avais réalisée au lendemain d’une soirée où j’eus l’honneur de partager la table avec une héroïne de votre peuple, Myriam Makeba, dont la timidité m’était apparue tellement asymétrique comparée à sa légendaire production scénique survoltée.
Plus tôt, nous avions quitté Libreville par un avion spécial, mis à notre disposition par feu l’ancien président Gabonais, Omar Bongo.
Pendant les deux heures trente minutes de vol pour rallier la capitale de l’ex-Afrique centrale française, j’avais été épaté par votre sérénité, votre rigueur et ce climat de collégialité que j’avais perçu entre vous et la future élite dirigeante de l’Afrique du Sud post-raciale, nation arc-en-ciel, dont vous prépariez la venue au monde, trois ans plus tard, lors des premières élections multiraciales, qui y seront organisées, en avril 1994.
Détention pluri-décennale
Vous savez, Monsieur Mandela, le régime de terreur et d’injustice qui vous avait valu une détention pluri-décennale est hélas en train de renaître dans le pays africain qui semblait être le moins préparé à l’adopter.
Savez-vous qu’un jeune militant, activiste dit-on maintenant, du nom de Abdou Karim Gueye, atteint d’un mal incurable, se trouve derrière les barreaux pour n’avoir eu que le tort, l’infime tort, de demander la réouverture des mosquées, malgré l’épidémie de la Covid19, dans ce pays si imbibé de religion musulmane.
Les voix qui s’élèvent pour sa libération sont faibles, feintes ou fausses. Une peur sourde étouffe leur portée. Pas étonnant: les têtes se baissent, lâches, pour ne pas affronter les regards de l’histoire d’une nation que le monde avait connue plus altière.
Vous seriez surpris d’apprendre qu’un “liver”, pratiquant d’un de ces néo-métiers propulsés par une techtonique des plaques numériques qui, de votre vivant, n’était par cette force si irrésistible, s’est lui aussi retrouvé en prison pour ses prises de positions sur la mal-gouvernance, admise de tous, qui plombe le Sénégal.
Si vous suivez la chronique sénégalaise, vous sauriez que cet autre otage politique, qui a dû être rapatrié des USA sur une déclaration fantaisiste de l’alors ambassadeur du Sénégal au pays de l’Oncle Sam, n’a commis comme seul tort, certes en termes vifs et fleuris, de dire ce que tout le monde pense tout bas.
Depuis sa capture matinale, qu’il a eu le réflexe de divulguer en direct, ce détenu, Assane Diouf, n’est même plus mentionné dans les conversations du quartier où il vivait et où il s’était pourtant imposé comme un modèle de sociabilité pour les jeunes y habitant.
Tenez: dans la journée de ce mardi, c’est-à-dire avant-hier, des prisonniers du camp pénal de Dakar, en grève de la faim, furent soumis à une violente bastonnade par les forces chargées de les surveiller.
Les blessés graves qui ont été décomptés à cette occasion n’ont soulevé la moindre protestation de la population d’un pays qui a choisi d’abdiquer ses libertés et d’abord son rôle de protection de ceux qui subissent une violence illégitime d’état, qu’ils aient ou non maille à partir avec la justice.
Don de sa personne
Vous savez, Monsieur Mandela, ou Madiba, comme on vous surnomme affectueusement, si je me tourne vers vous c’est parce que notre monde actuel est dur mais est surtout en manque de leaders qui puissent inspirer.
Or, de notre entretien, je garde le souvenir d’un homme qui avait su faire don de sa personne, quitter le pouvoir quand les applaudissements pour son aura étaient les plus bruyants et qui, en me parlant, m’avait donné l’air d’être davantage un joueur collectif qu’une star solitaire.
Grand combat
Vous savez bien qu’avant votre libération par le dernier pouvoir de l’apartheid, celui de Frédéric De Klerk, il avait fallu que toute l’Afrique se mobilisât pour faire de la fin de la ségrégation institutionnalisée en Afrique du Sud le grand combat continental après la lutte pour les décolonisations nationales intervenues trente ans plus tôt.
Quand vous effectuez votre tournée africaine à laquelle j’ai eu le privilège de participer, de nouveaux vents s’étaient levés sur le continent et partout, dans la foulée de l’effondrement des régimes autoritaires en Europe de l’Est, ses pays ne bruissent plus que de revendications pour les libertés et la démocratie.
Dans la voiture qui nous ramène de l’aeroport de Brazzaville au palais présidentiel, votre assistante personnelle, Jessie Duarte, n’hésite pas à me demander de lui traduire le mot qu’elle entend le plus hurler une foule qui ne semble pas être…enthousiaste.
C’est que ce jour-là, Mandela est arrivé dans un pays où le chef, hier, intouchable, n’est plus qu’un pestiféré qui compte sur son association avec une vedette pareille pour remonter dans l’estime de ses compatriotes. Denis Sassou-Nguesso, puisqu’il s’agit de lui, affiche hélas un visage blême. Il sait que les cris des foules sont pas des hourras ni ne signifient chef en anglais. Chef et thief riment et les congolais massés sur le parcours du convoi désignent leur président sursitaire en thief, c’est-à-dire voleur.
Quelques mois plus tard, il sera battu aux urnes par le professeur Pascal Lissouba avant qu’il ne l’en déloge, armes à la main, après une guerre meurtrière, six ans après.
Savez-vous, Monsieur Mandela, que les démocrates ont tué, étouffé, fait régressé l’idéal démocratique qui promettait une nouvelle indépendance en Afrique?
J’en arrive à comprendre pourquoi déjà à l’époque vous aviez refusé de faire du Sénégal l’une de vos premières destinations pour ne pas tomber dans le piège des faussaires, nombreux sur cette terre, qui prétendaient avoir été les architectes de votre élargissement quand vous saviez, en redoutable stratège, qu’ils ne surfaient que sur votre réputation de rock-star planétaire pour leurs propres intérêts.
Vous n’avez rien raté. Car si vous étiez dans le Sénégal actuel, vous vous diriez: quelle déception, quel recul, quelle honte!
Laissez-moi vous en donner d’autres raisons encore plus poignantes que j’ai personnellement vécues pendant mon illégale et illégitime détention.
L’heure du laitier
Vous vous seriez crû aux temps révolus après les épisodes du fascisme, du communisme européen, véritable idéologie de purgatoire, jusqu’au MacCarthysme des chasses aux communistes ou présumés tels en Amérique.
Savez-vous que ce sont leurs méthodes, rendues tristement célèbres par les Gestapo du monde entier, qui me furent appliquées ?
À l’heure du laitier, sans que je ne sois fautif de quoi que ce soit, les agents de la division des investigations criminelles (DIC), de triste mémoire, sont venus me chercher au motif, me dirent leurs chefs, par la suite, que j’avais “offensé” Monsieur Macky SALL en publiant des écrits sur les moeurs le concernant.
En clair, on me reprochait d’avoir exercé mes droits constitutionnels qui m’offrent un vaste périmètre de libertés pour écrire et penser, y compris, au delà de la politique, sur les questions personnelles relatives aux hommes qui gouvernent ou aspirent à gouverner notre pays et ceux du reste du continent.
C’est dire qu’il était injuste de m’arrêter pour avoir divulgué les frasques sexuelles, adultérines, d’un Macky Sall, qui relevaient d’un secret de polichinelle en mentionnant ses rapports avec une midinette, Mina Lakrafi, en termes crus.
En plus de cette raison, légère, comme la légèreté du soldat Sall, rattrapé par ses infidélités, ses forces de répression usèrent de faux pour écrire, en me les imputant, des propos diffamatoires dans le seul but de me faire passer aux yeux de l’opinion publique pour un insulteur que je n’étais pas.
Pouviez-vous imaginer le Sénégal descendant si bas ?
Peu après un interrogatoire digne de la Stasi, la police politique de l’ex-Allemagne de l’Est communiste et deux nuits passées dans des commissariats a même le sol, sur des carreaux fétides, à seule fin de casser mon moral, je fus aussi soumis à l’instruction kangaroo d’un juge aux ordres qui, d’un souffle honteux, me signifia que la loi allait m’être appliquée.
Autrement dit qu’un mandat de dépôt était donc délivré pour m’amener en prison, séance tenante, la nuit. Ce que, bien averti, mon avocat refusa.
Il savait que les transferts en prison, à une telle heure, signature du régime de Sall, relevait d’un fétichisme d’où l’on ne sortait qu’à ses propres dépens.
Innocent
Ce n’est que le lendemain, après une autre éprouvante journée pour l’innocent que j’étais, que je fus transféré au Guantanamo sénégalais, la prison de Rebeuss.
Dès que je mis les pieds dans la chambre 1 où j’avais été assigné, vers 19h30, les 100 paires d’yeux braqués, telles des lucioles dans la pénombre, sur mon visage me confortèrent dans le sentiment que j’étais jeté dans une cage aux lions.
L’objet était de me faire peur. De me déshumaniser. De me déstabiliser. Me faire craquer.
Il y avait de quoi flancher. Le cadre où se trouvaient majoritairement des détenus de droit commun n’était pas fait pour l’otage politique que j’étais. En outre, qui pouvoir rester zen, optimiste, en se trouvant obligé d’être dans cette pièce sale et lugubre, sentant mauvais, ces baluchons en tissus accrochés çà et là tandis que rougeoyaient des mégots de cigarettes, de constater cette promiscuité si étroite et d’entendre le silence qui m’accueillait comme pour me dire: “welcome to hotel California!”.
Je savais d’instinct que je ne pouvais compter sur personne. Privé de ma parole et de ma plume, difficile à défendre tant mon nom avait été sali et chargé par les mercenaires et complices d’un pouvoir pire dans sa propagande que Goebbels, j’étais livré à mon sort, entre les griffes de mes preneurs d’otage revêtus de la toge de la puissance publique et s’en donnant à cœur-joie. Comme dans une torrida où le toréro poussé par les vivats de spectateurs déchaînés était sommé de leur donner le sang de la victime expiatoire qu’ils exigeaient goulûment…
Retour à la chambre 1. J’étais-là debout, fatigué après deux jours d’interrogatoires et la tête autant que le corps en compote. C’était le dernier jour de juillet 2019. Un 31 juillet.
Je n’eus d’autres ressorts que de mobiliser mes ultimes énergies et, survolant la pièce d’une vingtaine de m2, sans savoir comment ni où je pourrais me coucher, je marmonnais: Allah Akbar.
Ma force intérieure et celle du ciel étaient mes seuls refuges. J’étais décidé cependant à ne céder aucun pouce de terrain sur mes droits encore moins à remettre en question mes convictions.
À partir de ce moment, la messe était dite: j’allais résister, faire face, vaincre ou mourir sur ce champ de bataille choisi par mes geôliers, c’est-à-dire l’état du Sénégal incarné par son illégitime président, Macky SALL, et un larbin, faussaire, incompétent ministre de la justice, Malick SALL.
Quand je vis les prisonniers dans la pièce qui n’avaient pas de lit pour se coucher se faire “empaqueter”, comme des sardines étroitement alignées, ou, pis, dans un alignement reminiscent du commerce des esclaves, dans les cales des bateaux de négriers, je m’étais aussitôt dit que j’étais parti pour vivre une expérience impitoyable.
Il était 23 heures. Et j’étais toujours debout. Ne sachant où affaler mon corps d’échassier. Ni si j’allais faire partie du nombre des empaquetés.
Finalement par un léger toucher de la jambe, celui dont je sus après qu’il était le chef de chambre me fit signe de me coucher où je me tenais. C’était un bout de nattes.
Sans hésiter ni me déshabiller je me mis par terre, retrouvant mes réflexes des années de mon enfance, quand je n’avais aucune peine à dormir sur le sol dans notre concession familiale ou dans quelque case rurale quand mes pérégrinations m’y contraignaient.
Étrangement, malgré l’espace étroit qui me servit de lit cette nuit-là, je m’endormis à poings fermés.
Jusqu’à ce qu’à l’aube, avant même cet appel rauque d’un muezzin auquel je m’habituerai, je fus tiré de mon sommeil par les hurlements de douleurs, sous l’effet d’une torture, qui sortaient de la poitrine d’un détenu que je devinais jeune.
Scènes ordinaires
Ce n’était la que le début des scènes ordinaires de brutalités dans une prison où les gardes pénitentiaires semblent croire qu’ils doivent copier les pratiques quasi-terroristes employées à l’autre bout de la terre par les féroces forces de répression américaines qui se déchaînaient au moyen de molosses dressés pour tuer ou de sadiques gardes pénitentiaires, notamment féminines, tous lâchés sur les détenus islamistes de la prison de Guantanamo. Loin de l’état de droit. Au nom de la lutte contre le terrorisme mené par le Président américain de l’époque, George Bush-fils.
En marchant, pendant la durée de ma détention, dans la cour de la prison, je ne voyais que ce besoin irrépressible de frustrer la population carcérale.
Comment en être surpris en voyant l’un des gardes arborant fièrement sur sa chemise son nom sentimental : Kor Daba, qui signifie Cheri de Daba mais qui se fait appeler Hitler?
Comment pourrais-je aussi oublier l’image de ce garçon d’une trentaine d’années, nigérian par son apparence, que je vis sangloter un après midi après avoir été torturé jusqu’à ce que le bas de son pantalon descende de plus de 5 mètres de ses pieds?
Ses sanglots étaient identiques aux cris de désespoir d’un George Floyd appelant au secours sa mère pourtant décédée alors que son assassin, Derek Chauvin, continue de lui visser son genou mortel.
Quand les gardes pénitentiaires réalisèrent que j’étais un témoin de leurs sauvageries, l’un d’eux, un certain Rone, se sentit soudain nu. C’était trop tard. J’avais tout vu.
Le mal était fait. Le lendemain, la rumeur circula dans la prison que le pauvre garçon était mort. Il venait de payer pour avoir tenter de s’évader…
Les scènes banales m’étonnent plus à Rebeuss. C’est leur brutalité montante qui dépasse l’entendement.
Disons-le net: L’état carcéral du Sénégal ne respecte pas les droits des citoyens-prisonniers.
Combien de gamins ai-je vu jetés dans cette aire fermée, exposés à des bandits endurcis et donc devenir des récidivistes, des criminels perdus par la société alors qu’une bagarre banale ou un menu larcin justiciable d’une médiation facile, de quartier, les a amenés en prison ?
Resocialisation
Ils sont des milliers à s’y habituer et même à en faire leur nouvelle famille. Surtout qu’ils y découvrent un lieu de resocialisation plus intégrateur que celle, déchirée, éclatée et violente que sont devenues leurs familles classiques. Beaucoup sont des revenus. On les appelle des demm-dikk: partis et revenus.
La prison est un hôtel pour eux. Certains ont tellement démystifié sa dimension punitive qu’ils rigolent à leur libération en disant à leurs potes avec qui ils jouent au foot ou basket sur les terrains dédiés au sport dans l’enceinte de la prison: “gardez-moi ma place”, disent-ils en clignant de l’œil, comme pour leur dire “je suis pressé de revenir ici”.
La prison est en réalité une fabrique de bandits, un élevage de prédateurs. Parce qu’aucune formation ne leur est donnée et qu’ils en sortent démunis, la plupart des prisonniers n’ont d’autre choix que de se mettre en marge de la société en violant, parfois armes à la mains, ses règles.
Voyez-vous, Monsieur Mandela, vous comprenez pourquoi j’ai été inspiré par ma visite dans votre lieu de détention du Cap. Seulement, en visitant la cellule que vous y aviez occupée, je m’étais dit: “au moins son combat a porté des fruits avec la transformation entamée, même si elle n’est pas encore finie, de l’Afrique du Sud”.
En me rendant au siège du Congrès national africain (ANC), votre parti, pour y retrouver Jesse, votre assistante, devenue une amie et le numéro deux de ce parti au pouvoir, je pouvais me flatter d’avoir participé avec des militants du monde entier au démantèlement d’un système de gouvernance odieux.
Et, au surplus, à l’avènement d’une démocratie ouverte où un jeune, Julius Malema, peut vertement s’en prendre aux dirigeants en place sans être harassé par des flics sans foi ni loi. Ni être embastillé !
Pourquoi alors, je ne cesse de me demander, les sénégalais ont-ils pris le parti de s’aligner derrière les fraudeurs, les destructeurs de leurs valeurs; pourquoi gobent-ils, si facilement, la propagande d’état ou valident-ils les saletés de leurs plumitifs et autres relais dans la société disposés à assumer la basse besogne à son compte ?
Je vous adjure, Monsieur Mandela, parce que c’est vous, reveillez-vous.
Le Sénégal, pays de libertés, se meurt. Il se mue en état carcéral. Sous le genou d’un tyranneau, accident de l’histoire, qui tient illégitimement ses commandes en le menant tout droit vers le mur.
L’Etat carcéral du Sénégal, né des éprouvettes du laborantin politique aux gros sabots, Macky SALL, est la négation de ce que cette nation sénégalaise a toujours voulu être: un rempart inexpugnable contre les dictatures et la criminalité étatique.
Vous voyez pourquoi la seule évocation du nom Nelson Mandela fait sursauter tant de sénégalais : le mal qui les prends à la gorge est profond et il s’étend à travers un continent devenu bizarrement fertile au déploiement de la dictature et de l’assassinat de l’état de droit.
Vous nous manquez, si vous voulez tout savoir, Madiba ! Le Sénégal rêve d’un leadership transformationnel, comme le vôtre, pour échapper à l’enfer qui l’engloutit et ronge ses fondements.
Pensez à nous. Nous vivons nos heures les plus sombres. Comme celles que l’Afrique du Sud a connues en des temps que vous ne saurez oublier même là-haut, près du seigneur…
Comme vous aussi nous rêvons de faire notre marche vers la liberté en retrouvant l’écosystème que nous n’aurions jamais dû quitter n’eut été l’arrivée à la tête de notre pays d’un président pas accident, celui qui n’aurait jamais dû être notre président, et que nous payons par le prix le plus cher qu’on puisse imaginer…
Madiba, parlez autour de vous de la banqueroute éthique du Sénégal.
*Adama Gaye, Auteur de: Otage d’un État (Éditions l’harmattan)
Le Caire, 3 juillet 2020
Ps: Je réitère ma proposition pour l’institution d’une journée du prisonnier qui pourrait être le 27 août tous les ans pour coïncider avec ce jour fatidique, voici un an, quand 2 jeunes détenus se Rebeuss y furent électrocutés.
Photos: Rebeuss, telle qu’elle est…et Nelson Mandela. Puis moi visitant la cellule de Mandela à Robben Island.