Passé-présent Loi d’habilitation : les 2 ans de Abdou Diouf

par pierre Dieme

A chacun sa loi d’habilitation. Macky Sall a, au motif de la crise sanitaire du Covid-19, sollicité une loi d’habilitation de trois mois. Mais sous Diouf, il y a eu une loi de la même nature pour deux ans, reconduite pour deux ans encore. Macky Sall va-t-il demander une reconduction ?

Prorogera, prorogera pas. Les trois mois de validité de la loi d’habilitation arrivent à terme et l’on ne sait pas encore si le Président Sall sollicitera une nouvelle fois l’autorisation de l’Assemblée nationale pour prendre par ordonnances des mesures relevant du domaine de la loi. Il faut dire que ce n’est pas une première qu’un chef d’Etat fasse recours au Parlement de cette manière. Ce ne serait pas non plus une première que l’Exécutif introduise une nouvelle demande pour une reconduction d’une loi d’habilitation. Sous Abdou Diouf, précisément lors de la 7ème Législature, la Commission des finances et des affaires économiques, présidée par Abdourahim Agne, s’était réunie à l’effet d’examiner le projet de loi n°30/90 portant loi d’habilitation, déposé par le gouvernement représenté par le ministre de l’Economie, des finances et du plan, Moussa Touré. Il était question de reconduire une habilitation de… deux ans.
A l’époque, voici les arguments du rapport lu par Modou Amar : «(…) Le délai de validité de deux ans de la loi précitée (loi n°89-11 du 17 janvier 1989, portant habilitation) devant expirer sous peu et le contexte économique qui avait sous-tendu l’adoption de cette loi n’ayant pas fondamentalement varié, il s’avère nécessaire, a conclu le ministre, de reconduire ladite mesure pour une nouvelle période de deux ans.» C’était donc partie pour une habilitation de 4 ans.

La crise du Golfe et ses conséquences économiques
Le rapporteur poursuivait : «Vos commissaires ont estimé que la délégation souhaitée par l’Exécutif se justifie pleinement dans la mesure où l’usage qu’il a fait de l’instrument placé entre ses mains a été jugé bon et efficace, dans la période de turbulences économiques qui s’est installée dans le monde depuis le mois de juillet 1990. Avec l’annonce de la tempête politique, militaire et économique de la crise du Golfe, le gouvernement a encore besoin d’une grande souplesse pour agir, avec célérité, face aux dérapages qui ne manqueront de surgir.»

La ratification «immédiate»
Et alors que la ratification des ordonnances fait l’actualité aujourd’hui à l’Assemblée nationale, il en était de même pour cette loi d’habilitation. «Toutefois, vos commissaires ont exigé le maintien dans le projet de loi des dispositions du 2ème alinéa qui dispose que ‘’le projet de loi de ratification des ordonnances est déposé immédiatement, si l’Assemblée nationale est en session ou, dans le cas contraire, à l’ouverture de la prochaine session’’», rapportait Modou Amar. Mais entre-temps, la loi a changé et n’impose plus avec l’adverbe «immédiatement», mais donne des délais beaucoup plus longs pour la ratification.

Exposé des motifs de la loi d’habilitation sous Diouf
«La loi n°89-11 du 17 janvier 1989 portant loi d’habilitation avait autorisé le président de la République, en application de l’article 66 de la Constitution, à intervenir dans le domaine de la fiscalité avec toute la célérité souhaitable pour modifier l’assiette, le taux ou le mode de perception de l’impôt. Compte tenu de la période de turbulences économiques traversée, une telle mesure avait été prise afin d’éviter notamment que nos entreprises subissent des préjudices irréversibles du fait de l’intervention quelquefois tardive des corrections apportées par les textes législatifs à la fiscalité intérieure et aux droits de porte. Le délai de validité de deux ans de la loi précitée devant expirer sous peu et le contexte économique qui avait sous-tendu l’adoption de cette loi n’ayant pas fondamentalement varié, il s’avère nécessaire de proposer une loi d’habilitation pour une période de 2 ans. Tel est l’objet du présent projet de loi.» Alors, l’on peut soulever la même interrogation pour la loi d’habilitation d’avril 2020. Le contexte qui a dicté cette sollicitation du président de la République, c’est-à-dire le Covid-19, n’a pas changé. Par conséquent, une reconduction de cette habilitation ne surprendrait pas.

Séance présidée par Abdoul Aziz Ndaw
Article unique : «Par application de l’article 66 de la Constitution et pendant une période de 2 ans à partir de la date d’entrée en vigueur de la présente loi d’habilitation, le président de la République est autorisé, en cas d’urgence et de nécessité impérieuse d’intérêt national, à apporter des modifications par ordonnance, aux droits d’importation et d’exportation inscrits au tarif des douanes et aux impôts, droits et taxes prévus par le Code général des impôts. Le projet de loi de ratification de ces modifications est déposé immédiatement si l’Assemblée nationale est en session ou, dans le cas contraire, à l’ouverture de la plus prochaine session.»

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