En signalant aux bailleurs des fonds que la note du Sénégal est susceptible d’être dégradée par cette agence, Moody’s va corser les conditions d’accès du Sénégal à des finances à des taux favorables. Or, comme le fait remarquer la note du ministère des Finances, la signature du Sénégal n’a jamais été prise à ce jour, en défaut par rapport à ses obligations extérieures. Donc, la question est, à quel jeu joue Moody’s ?
L’agence de notation Moody’s met la note du Sénégal à la baisse dans l’éventualité d’une situation qui ne s’est pas encore produite. Une aberration dont on peut difficilement prétendre qu’elle serait le fait d’une erreur technique. Les analystes de l’agence semblent reprocher au gouvernement du Sénégal d’avoir sollicité de bénéficier de l’Initiative du G20 de suspension du service de la dette (Issd), du fait des dépenses induites par la lutte contre la pandémie Covid-19.
Or, si le G20, qui soit dit en passant est encore en train d’étudier la demande du Sénégal, a souhaité que les créanciers privés s’engagent également dans ce mécanisme, le Sénégal a réaffirmé avec force qu’il est toujours prêt à honorer sa signature. Et tous les observateurs reconnaissent que c’est juste une seule année, au cours des horribles années des Plans d’ajustement structurel (Pas) que, frappé par la sécheresse, le gouvernement de Abdou Diouf avait fait défaut à sa signature. Mais depuis près de 40 ans, cette situation ne s’est plus jamais reproduite.
Dès lors, placer la note du Sénégal en «revue pour dégradation», pour reprendre les termes de Moody’s, n’est-ce pas un signal envoyé aux bailleurs privés pour leur indiquer de se méfier de la signature du pays ? Et cela, au moment où tout le monde est conscient que le pays aura nécessairement besoin de liquidités pour espérer relancer ses projets mis à l’arrêt par le Covid-19, et redémarrer son secteur productif. Sans oublier les urgences sanitaires à prévoir, alors que le pic de la maladie continue de narguer l’optimisme de façade des autorités politiques ?
On peut comprendre que le gouvernement du Sénégal, qui a besoin de se faire bien voir par ses partenaires financiers, décide de relativiser le message envoyé par Moody’s. Il est néanmoins conscient qu’il est désastreux vis-à-vis des bailleurs.
On se demande quels intérêts les analystes de Moody’s, qui ne sont pas plus intelligents que les fonctionnaires qui travaillent aux ministres de l’Economie ainsi que des Finances et du Budget, cherchent à préserver en mettant des bâtons dans les roues du Sénégal. Nul n’ignore que le pays va vers des lendemains difficiles. Il n’est pas besoin d’une agence de notation pour assombrir encore plus notre horizon. Ou alors devrait-on leur rappeler leurs exploits, avec les notations fantaisistes servies aux banques américaines lors de la crise des Subprimes en 2007-2008 ?
Les services du ministère des Finances tentent de rassurer leurs partenaires en relevant que l’autre agence de notation, Standard & Poor’s (S&P), maintient toujours sa confiance en la signature du pays, et fixe sa note à B+ stable, l’une des meilleurs de la sous-région ouest-africaine, à l’instar de la Côte d’Ivoire.