Deuxième source de devises au Sénégal, après la pêche, le tourisme traverse une crise sans précédent malgré les différentes politiques mises en œuvre par les différents régimes qui se sont succédé à la tête du pays. Face à la concurrence de nouvelles destinations dans les pays voisins, les autorités étaient appelées à développer de nouvelles offres telles l’écotourisme, le tourisme religieux et culturel, le tourisme de santé pour en tirer le maximum de profit. Pis, la pandémie de la Covid-19 a fini par mettre aujourd’hui ce secteur à genoux. Premier secteur à ressentir les effets de la maladie, le tourisme connaît les moments les plus difficiles de son existence au Sénégal. Radioscopie d’un secteur actuellement aux «urgences».
Le secteur du tourisme au Sénégal s’est imposé comme le véritable moteur de l’économie, se classant même au deuxième rang après la pêche en termes de rentrées de devises dans notre pays. Développé aussitôt après les indépendances, le tourisme international et essentiellement balnéaire n’a cessé de croître. Les arrivées massives de touristes, notamment de type tout inclus, ont quasiment quadruplé de 1960 à 2000. Les transactions touristiques ont atteint, durant la même période, près de 10 % de la valeur globale du commerce extérieur du pays. Pendant plusieurs décennies, l’activité balnéaire a toujours été le moteur de l’activité touristique au Sénégal. Notre pays a aussi longtemps été vendu et perçu comme une destination balnéaire d’hiver par rapport au marché européen. Avec ses 700 km de côte maritime, les autorités en charge du tourisme avaient misé sur ce potentiel naturel.
Le Tourisme d’Affaires a connu une progression régulière depuis plusieurs années surtout dans la région de Dakar. Cette progression s’explique par l’amélioration des infrastructures d’accueil et la structuration de l’offre Tourisme d’Affaires à Dakar. Aujourd’hui les hôtels d’affaires affichent un taux de remplissage moyen de 80 à 85 % comparé aux hôtels de loisirs situés dans la zone balnéaire qui tournent autour de 25 à 30 %. Cette baisse de la destination Sénégal est causée par plusieurs facteurs selon les professionnels du secteur. Il s’agit entre autres, du manque de visibilité, de l’absence de promotion intérieure et extérieure, les forts taux de fiscalité liés à la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) qui ne permettent pas au Sénégal d’être compétitif par rapport à des destinations plus à la mode comme Cuba, Thaïlande ou d’autres pays africains. Il s’y ajoute les problèmes de financements, l’accès au crédit n’est pas facile, l’érosion côtière entraînant la disparition des plages, la pollution des eaux, le comportement de la plupart des petits vendeurs qui, par manque de sensibilisation, font fuir les quelques touristes qui s’aventurent en dehors de leur hôtel, l’état de délabrement des routes dans l’est du pays.
LES POLITIQUES DE L’ETAT POUR LA PROMOTION DU SECTEUR
Pour rendre plus attractive la destination sénégalaise, de nombreuses politiques ont été mises en œuvre par les différents régimes qui se sont succédé au Sénégal. Ainsi, dans son objectif de «rationaliser» les dépenses publiques, le Président de la République, Macky Sall a supprimé bon nombre de structures dont l’Agence nationale de promotion touristique (Anpt). Une décision qui a mis les acteurs touristiques dans tous leurs états. Face à la détermination des professionnels du tourisme qui ne voulaient nullement entendre parler de la disparition de l’Anpt, Macky Sall ressuscite l’Agence sénégalaise de promotion touristique (Aspr), née des cendres de l’Anpt. Et, en 2013, le président de la République lance le visa d’entrée au Sénégal pour tous. Ce qui n’est pas sans conséquences sur le secteur. Suffisant pour que les acteurs touristiques mènent la bataille contre la décision qu’ils qualifient de facteur bloquant du tourisme. Une mobilisation qui a également obligé Macky Sall à supprimer, en mai 2015, cette réciprocité des visas qui était adoptée «sans concertation» avec les professionnels du secteur du tourisme. Son prédécesseur, Me Abdoulaye Wade avait nourri des ambitions pour le développement du secteur avec la création de l’Anpt pour mieux tirer profit du tourisme. Ce que le président Abdou Diouf avait bien compris en misant sur le secteur.
LE CREDIT HOTELIER ET TOURISTIQUE POUR BOOSTER LE SECTEUR
Après la réduction des taxes, l’exonération fiscale en Casamance, la suppression du visa d’entrée, l’Etat a instauré, en 2016, le crédit hôtelier et touristique. Un outil qui est venu à point nommé, face à la crise que traversait ce secteur ces dernières années. Selon les services du ministère du Tourisme, ce nouvel instrument est placé au cœur de la Stratégie de développement du secteur du tourisme, telle que déclinée dans le Plan Sénégal émergent, avec l’ambition réaffirmée de faire du Sénégal une destination touristique de référence. Ce crédit a pour objectif, de mieux valoriser le potentiel touristique des localités du Sénégal, à travers le relèvement du niveau de qualité des services et la mise en place de nouveaux produits adaptés aux nouvelles réalités économiques. Dans sa configuration, ce crédit hôtelier ambitionne de renforcer Dakar comme ville de tourisme d’affaires, soutenue par le développement du City Trip autour de nouveaux circuits thématiques. Mais aussi, entre autres, de soutenir la requalification de l’offre touristique à Saly et sur la Petite Côte; développer l’offre de services dans l’écotourisme au Delta du Saloum et dans le Sénégal Oriental.
TOURISME RELIGIEUX ET TOURISME DE SANTE
Pour la relance du secteur touristique au Sénégal, l’Etat veut également s’appuyer sur le tourisme religieux au niveau de certaines localités du pays, à l’instar des villes comme Médine, Jérusalem et Rome. Aujourd’hui, des régions comme Kaolack, Thiès, Diourbel, Dakar, la Casamance, Kédougou, le Fouta, etc., pourraient développer ce type de tourisme qui n’est pas encore expérimenté d’une façon significative dans notre pays, en dépit des énormes potentialités, en dehors des nombreux événements religieux organisés chaque année. En effet, les régions de Kaolack, de Thiès et de Diourbel accueillent lors de la célébration des événements religieux (Gamou, Magal) des hôtes qui viennent des régions intérieures, de pays africains, d’Europe, des Etats-Unis ou d’Asie. Certes, même si ces évènements qui drainent chaque année des milliers voire millions de pèlerins musulmans, ils ne peuvent guère être considérés comme du tourisme religieux à l’heure actuelle et force est de constater que de nombreux visiteurs étrangers se rendent également dans ces cités religieuses pour contempler les grandes mosquées ou les mausolées des illustres chefs religieux comme celui de Cheikh Ahmadou Bamba…
Toujours dans ce domaine, parmi les lieux de pèlerinage catholiques, le sanctuaire Notre-Dame de la Délivrance de Popenguine et le petit séminaire Saint-Joseph de Ngazobil, sont aussi autant de sites plus connus et à promouvoir. La cathédrale de Dakar, l’église de Fadiouth et surtout l’abbaye des moines de Keur Moussa, célèbre pour ses messes dominicales chantées, accompagnées à la kora, sont très prisées des voyageurs. Dans un autre registre, faire de Dakar un hub médical à l’exemple de l’Inde, la Turquie et les pays du Nord. Voilà un autre projet que le Sénégal et ses partenaires ambitionnent de réaliser pour faire de notre pays une destination de tourisme médical au niveau de la sous-région et même au-delà. Cette idée émise pourrait non seulement permettre aux populations de disposer de structures de soins de qualité mais aussi mettre fin aux évacuations sanitaires onéreuses vers l’Europe et vers d’autres pays du Maghreb
COVID-19 «ACHEVE» UN SECTEUR AGONISANT
La pandémie de la Covid-19 a fortement affecté le tourisme au Sénégal. Premier secteur économique à en ressentir les effets, le tourisme connaît en effet les moments les plus difficiles de son existence au Sénégal. Dès l’apparition des premiers cas confirmés de coronavirus au Sénégal, les hôtels ont fermé leurs portes du fait de l’assèchement des marchés fournisseurs, la France, l’Italie, l’Espagne et la Belgique, entre autres, tous des pays qui n’ont plus de liaison aérienne avec le Sénégal. «Tous les secteurs sont touchés, mais nous, nous sommes sinistrés», avait alerté Mamadou Racine Sy président du Fopits. Avec les annulations d’évènements et des réservations, les hôtels ont perdu beaucoup d’argent. Pour accompagner les professionnels du secteur touristique, l’Etat a pris un certain nombre de mesures notamment le report des échéances fiscales et sociales des hôteliers, ainsi que l’obtention au niveau des banques un moratoire des créances dues, et sans intérêts. Des mesures qui ne font toutefois qu’éluder la sinistrose des réceptifs hôteliers face au coronavirus.