La sortie du Directeur général (DG) de l’Office national de l’assainissement (ONAS), Lansana Gangny Sakho, le jeudi 28 mai dernier, proposant une augmentation du prix de l’eau, avec comme motif l’insuffisance de la redevance tirée des factures et l’important investissement de l’Etat dans ce secteur, pour financer l’assainissement suscite la colère des consuméristes. Me Massokhna Kane, le président de SOS Consommateurs, pour qui cette sortie n’est pas du tout hasardeuse alerte d’ores et déjà les Sénégalais sur une forte probabilité de hausse prochaine des factures d’eau. En revanche, Jean Pierre Dieng, le président d’honneur de l’Union nationale des consommateurs du Sénégal (UNCS) soupçonne un deal entre l’Etat et la société SEN’EAU et le DG de l’ONAS ne représenterait qu’un simple pion. Du côté de SEN’EAU, l’on fait savoir que le prix de l’eau n’est pas du ressort de la nouvelle structure. Dans une déclaration à la presse, le jeudi 28 mai 2020, le Directeur général (DG) de l’ONAS a proposé une augmentation du prix de l’eau pour régler les problèmes de l’assainissement au Sénégal. Pour Lansana Gagny Sakho, les redevances payées sur les factures des abonnés devraient être augmentées, pour financer le secteur dans lequel «l’Etat fait de gros efforts», a-t-il expliqué. Une proposition qui a soulevé l’ire des consuméristes qui opposent un «non» catégorique à toute augmentation du prix de l’eau. Non sans se demander : «Comment peut-on décemment parler d’augmenter le prix de l’eau en cette période de pandémie de Covid-19 ? Ne s’agit-il pas d’un ballon de sonde pour tester la réaction des Sénégalais ?» Pour les organisations de défense des consommateurs, cette sortie, «très scandaleuse et osée», n’augure rien de bon et elle sent comme un deal entre l’Etat et la société de SEN’EAU qui se cacheraient derrière une prétendue crise financière profonde de l’ONAS pour encore soutirer d’une façon subtile de l’argent aux Sénégalais.
ME MASSOKHNA KANE, PRESIDENT DE SOS CONSOMMATEURS : «Ce n’est pas décent de parler d’augmentation de l’eau parce que ce n’est pas une marchandise ordinaire…» «Nous avons été surpris de façon très désagréable par la proposition du Directeur général de l’ONAS. Ce n’est pas du tout décent de parler d’augmentation de l’eau parce que, encore une fois, l’eau n’est pas une marchandise ordinaire, c’est un droit humain et les gens ont le droit d’en avoir même s’ils n’ont pas d’argent, même s’ils ne sont pas abonnés. Donc, c’est étonnant que ce monsieur, pour essayer d’expliquer l’argent qui lui manque pour faire son programme d’assainissement, d’abord commence par dédouaner l’Etat alors que ce programme est réalisé normalement soit avec l’Etat, soit avec des financements extérieurs. Il ne trouve rien de mieux que de proposer une augmentation de l’eau. C’est vraiment très surprenant de sa part et cela prouve, à mon avis, son niveau d’incompétence parce qu’il n’a plus rien à proposer,… dans le programme d’assainissement, il ne peut plus rien apporter. Nous les abonnés, nous payons déjà sur nos factures d’eau des redevances. Alors, au lieu d’aller chercher des financements sur le plan international ou demander à l’Etat que le budget qui concerne les programmes d’assainissement soit augmenté, ce qu’il trouve, c’est de s’en prendre encore une fois aux maigres revenus des Sénégalais. Je regrette vraiment cette sortie.»
«CETTE SORTIE EST UN BALLON DE SONDE, UNE HAUSSE DEJA PREMEDITEE» «Il faut que les Sénégalais sachent que c’est un ballon de sonde et qu’ils réagissent. Sinon, ils risquent de se retrouver devant le fait accompli. Au tout début, il a parlé d’une nouvelle forme de réforme hydraulique, qui a été signée le 31 décembre 2019, en disant qu’elle va permettre d’augmenter le prix de l’eau. C’est cela aujourd’hui dont il est question, c’est ce qui se prépare. Donc, il faut que les Sénégalais réagissent vigoureusement pour s’opposer à cela. Il cherche des investissements dans la poche des Sénégalais. Au moment où l’Etat fait des efforts pour aider les Sénégalais, lui, il trouve suffisamment d’impertinence pour soulever une augmentation, surtout en ce contexte épidémiologique.»
JEAN PIERRE DIENG, PRESIDENT D’HONNEUR DE L’UNCS : «Cette sortie est un coup de massue entre l’Etat et SEN’EAU» «Je pense qu’aujourd’hui, s’il y a augmentation, SEN’EAU sera le premier à en bénéficier. Le directeur de l’ONAS ne peut pas parler de factures d’eau, sans avoir au préalable parlé avec le distributeur principal d’eau. C’est tout simplement le Cheval de Troie par lequel on veut passer pour ne pas qu’on s’attaque au distributeur d’eau parce qu’aujourd’hui, le DG de l’ONAS est un fonctionnaire de l’Etat. Ce qui fait qu’il est blindé et on aura beau crier, il n’y aura aucune incidence. Ils ont été formatés pour gérer le Sénégal ainsi. Mais nous qui sommes là, nous ne sommes pas bêtes, nous savons que ce n’est pas l’ONAS qui établit les factures. Et ce qu’il faut comprendre ici, c’est juste une stratégie pour aller vers une augmentation de l’eau, juste pour pouvoir payer les nombreux travaux et chantiers à terminer. Peut-être que le nouveau investisseur ne veut pas mettre de l’argent pour faire des travaux et des réparations et il s’est dit, encore une fois, voilà, je vais taper sur le portefeuille des consommateurs sénégalais. Et pour ça, il faut que j’envoie l’Etat et l’ONAS qui est une composante fragile», a-t-il indiqué
«LES SENEGALAIS VONT REMBOURSER JUSQU’AU DERNIER CENTIME LES FONDS INVESTIS DANS LES DIFFERNTS SECTEURS» «Cette partie des factures d’eau et d’électricité endossée par l’Etat va être remboursée par les Sénégalais jusqu’au dernière centime. Il fallait coûte que coûte respecter la promesse du chef de l’Etat ; elle a été faite. Maintenant, les conséquences seront là. L’après Covid19 sera là et le réveil sera plus dur que la pandémie. Et on commence à nous sonder déjà. Demain, ce sera au niveau de la santé, au niveau des frais de scolarité et ou de l’électricité etc. ; ils sont en train de tâter le terrain avec tous les problèmes qu’il y a dans l’eau et l’assainissement et dans les autres secteurs. C’est le peuple qui va rembourser. Rien n’est réglé, c’est le règne du verbe pour l’Etat, et, pour le peuple, c’est le règne de la soumission. Et les gens de l’opposition nous fatiguent avec leurs incartades ; ce n’est pas dans les medias qu’on va gérer les problèmes. Macky Sall a détruit le tissu du mouvement des consuméristes uniquement pour ça. On aurait dû nous dire la somme exacte investie dans les factures d’eau et d’électricité et nous informer aussi des ménages qui en ont bénéficié. La SEN’EAU n’a pas 1 million de clients».
NDIAYA DIOP, DIRECTEUR DE LA COMMUNICATION DE SEN’EAU : «Le tarif de l’eau n’est pas du ressort de SEN’EAU» La société SEN’EAU qui assure l’exploitation et la gestion de l’hydraulique urbaine et périurbaine se refuse de commenter la sortie du DG de l’ONAS proposant une hausse du prix de l’eau… pour financer l’assainissement. Mieux, citée comme étant de connivence avec l’Etat pour faire passer une augmentation programmée de l’Eau, à travers cette sortie du DG de l’ONAS, SEN’EAU répond aux associations consuméristes que la fixation du prix de l’eau n’est pas dans ses prérogatives. «Nous ne pouvons pas commenter la proposition du DG de l’ONAS. Juste vous dire que le tarif de l’eau n’est pas du ressort de SEN’EAU», a précisé Ndiaya Diop, Directeur de la Communication de SEN’EAU, interpellé par nos soins.