Corona, l’occasion en or

par pierre Dieme

Quand le coronavirus sera déclaré vaincu, Macky SALL aura fini de se préparer. Du couvre-feu, il ne reste plus que sa signature. Pendant que le battage médiatique incite les Sénégalais à se concentrer sur la pandémie et ses dégâts, il multiplie les décrets aussi funestes que les communiqués du ministère de la Santé. En trois mois de présence du virus, à travers nominations et adoption de projets d’ordonnance, il s’est balisé la moitié du chemin menant à une troisième candidature à la prochaine présidentielle. Pour y arriver faudrait-il encore inoculer aux Sénégalais  le vaccin dont le leader de l’APR théorise les vertus?

En franchissant, mercredi dernier, les portes de la maison d’arrêt de Rebeuss, Seydina FALL Boughazelli a marché sur la justice sénégalaise. En sortant, il a piétiné le code pénal et pointé un doigt d’honneur aux gendarmes qui avaient refusé les dix millions de F CFA qu’il leur proposait à son arrestation. Un député qui trimballe dans sa voiture de fonction des milliards de faux billets, c’était le sommet des forfaitures que le régime de Macky SALL devrait normalement se résoudre à ne guère dépasser. Seulement, avec une Opposition aphone et un Pouvoir qui s’illustre dans le trafic, le comble n’est pas encore atteint. Poursuivi pour «association de malfaiteurs, contrefaçon de billets de banque ayant cours légal, blanchiment de capitaux et corruption», Seydina FALL Boughazelli qui aurait pu, à lui tout seul, dérégler l’économie non pas uniquement du Sénégal mais aussi celle de tous les pays de l’UEMOA, s’en tire avant même d’être entendu sur le fond par le Doyen des juges d’instruction qui l’avait inculpé et placé sous mandat de dépôt. Sa libération est le symbole d’une République en totale déliquescence ne tenant plus sur ses appuis complétement alanguis.

Si cette scandaleuse libération de l’ex-député de Benno Bokk Yaakaar suscite peu d’indignation c’est qu’elle intervient en cette période de pandémie du Coronavirus. Le but visé par ceux qui l’ont décidée, sans doute inspiré par Macky SALL.

Le Coronavirus a bon dos. Si de nombreux Sénégalais y croient de moins en moins c’est que ses dégâts sont beaucoup moins importants que les coups que le leader de l’APR inflige à la démocratie sénégalaise bâtie au prix d’énormes sacrifices. En effet, ces derniers trois mois, pendant que le ministère de la Santé multiplie les communiqués annonçant ou des morts ou des contaminés, Macky SALL entérine les décisions les plus scandaleuses. « Le but de l’Administration, ce n’est pas s’occuper d’elle-même. Elle ne doit pas mettre autant de ressources pour son fonctionnement. On doit pouvoir optimiser le fonctionnement en modernisant nos moyens. Sous ma gouvernance, je ne parle pas des autres. De 2012 à maintenant, nous avons dépensé plus de 307 milliards CFA pour l’achat de véhicules. Je ne parle pas des entretiens ou de la consommation de carburant », disait-il au mois d’aout dernier. Lui qui déplorait le train de vie couteux de l’Etat signe le décret N°2020-976 accordant le statut de Président honoraire aux anciens Président du Conseil économique, social et environnement (CESE). Avec le Coronavirus, la pilule est difficilement avalée mais passe tout de même. Avant cela, mercredi 18 mars 2020, c’est Commissaire de police divisionnaire Arona SY qu’il nommait, par décret, Directeur de l’Inspection des services de sécurité au ministère de l’Intérieur. Arona SY, faut-il rappeler le pédigrée du monsieur, dirigeait, en 2011-2012, la répression des manifestations contre un troisième mandat de Me Abdoulaye WADE. «Macky SALL réhabilite le commissaire Arona SY, symbole de la répression contre le M23 et de la lutte contre le 3ème mandat au poste de Directeur de l’Inspection des services de sécurité au ministère de l’Intérieur. Mamadou DIOP et les autres victimes de la violence policière de 2011 doivent retourner dans leur tombe. Macky SALL provoque leur deuxième mort. Les acteurs de la 2ème alternance sont interpellés. Le décret de cette nomination doit être reporté sans délai», avait réagi Moustapha DIAKHATE, ancien président du groupe parlementaire Benno Bokk Yaakaar à l’Assemblée nationale. Avec le Coronavirus, la pilule est difficilement avalée mais passe quand même. 

Peu après, c’est  un retraité qui remplace un autre retraité à la tête de la Cour suprême. Cheikh Tidiane COULIBALY a d’ailleurs été installé ce jeudi dans ses fonctions de Premier président de la Cour suprême en remplacement Mamadou Badio CAMARA. Avec le Coronavirus, la pilule est difficilement avalée mais passe tout de même. Le 3 juin dernier, ce sont deux transhumants, anciens responsables libéraux, qui « bénéficiaient » d’un décret de nomination signé par Macky SALL. Abdou FALL, ancien ministre de la Santé sous WADE, est nommé Président du Conseil d’Administration de la société APIX SA. Moussa SY, poulain de Pape DIOP avant d’être celui de Khalifa SALL, est nommé Président du Conseil d’Administration de la Société nationale du Port Autonome de Dakar (PAD). Des nominations éminemment politiques d’un président qui fait officiellement son dernier mandat et qui ne devrait normalement pas s’attarder sur les considérations politiques.

Ainsi, Macky SALL se sert de la torpeur créée par la pandémie pour baliser le chemin menant à sa troisième candidature à la prochaine présidentielle. La loi d’habilitation sur sa table, il avance tranquillement ses pions. Avec les dernières mesures prises par le Gouvernement qui confortent le « vivre avec le virus », le temps de la bataille annoncée contre le coronavirus risque de s’étirer en fonction des désirs et de la volonté du Président. Avant que celle-ci ne soit remportée, Macky SALL aura fini de prendre les décisions les plus controversées, l’amnistie pour Karim WADE n’étant pas à écarter. Les Sénégalais, côtoyant au quotidien le virus, sentiront le besoin d’en être immunisés. Et l’Institut Pasteur, dont la fondation construit en ce moment même une unité de production de vaccins à Diamniadio,  pourra produire, sans controverse, les 40 millions de doses de vaccin par an, à partir de 2021, comme jadis annoncé par l’ancien ambassadeur de la France au Sénégal, Christophe Bigot. Avant de quitter l’Institut Pasteur de Dakar, en 2016, le Pr. André SPIEGEL, qui dirige actuellement l’Institut Pasteur de Madagascar (IPM), a signé une convention de financement d’un montant de 6,5 millions d’euros, (4,3 milliards de FCFA) pour la construction et l’équipement d’une nouvelle unité de production de vaccins à Diamniadio. Un projet financé notamment par… l’Agence française de développement (AFD).

Mame Birame WATHIE

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