La force d’un peuple

par pierre Dieme

Je dédie ce texte à ce jeune de Kaolack heurté hier par une voiture de police.
Par Adama Gaye

En dominant impérialement les rues du pays hier nuit où il a démontré son courage à faire face, à mains nues, aux forces de la répression, armées jusqu’aux dents, le peuple sénégalais a affirmé sa détermination à reprendre ses droits sur son destin. Pour le redresser. Se sauver du projet morbide d’un pouvoir politique ayant dépassé les limites de sa notoire incompétence qui ne rêve plus que de l’enterrer vivant dans le seul but de l’empêcher d’exprimer la colère qu’il couvait depuis des mois voire des années.

Comme la lave d’un volcan endormi, c’est donc un peuple que l’on croyait définitivement inerte qui s’est réveillé. Pour illuminer les rues sénégalaises du feu d’une violence aussi brutale qu’incandescente, feu d’espoir, qui a fait trembler dans ses fondements un régime aux abois.

Dans la furie, entre manifestants heurtés par les voitures des forces dites de sécurité, et bâtiments publics incendiés, ce qui s’est passé hier soir n’est rien d’autre que l’expression de la détermination d’un peuple résilient dans la souffrance, courageux dans la trahison qu’il subit de ses dirigeants, lucide face aux périls dans lesquels son avenir est confié du fait d’une gouvernance opposée à ses intérêts.

Beaucoup ont pu dire que le rejet d’un couvre-feu cache-misère du pouvoir illégitime et incompétent de Macky SALL était la goutte d’eau de trop. Que tels des rats palmistes confinés dans un trou sans nourriture, arrosés par une forte pression d’eau, il ne leur restait qu’à en sortir.

On peut penser que la libération, toute honte bue, d’un Seydina Fall, surnommé Bougazelli, trafiquant de devises étrangères, à l’échelle industrielle, pris en flagrant délit, a davantage imbibé la mèche du mécontentement général.
Le voir, libre comme un oiseau, tandis qu’au moins deux sénégalais croupissent en prison pour n’avoir fait qu’exprimer leurs opinions sur la marche catastrophique, sous une emprise criminelle, du pays, peut cependant être la flamme qui guettait.

Les sénégalais n’ont pas d’autre option que de continuer jusqu’à son terme leur affrontement contre un pouvoir qu’il faut faire tomber pour ne pas être ses victimes.

On a dit ici maintes fois les symptômes de ce genocide émergent. Et la pandémie de la Covid19 n’en n’est que l’abcès le plus insaisissable tandis que les ventres creux, terrorisant des familles entières, le chômage, l’oisiveté, l’injustice, l’inéquité et un présent de plomb, rideau de fer sur un avenir bouché, ne pouvaient que déboucher sur ces scènes de violences proches de l’amorce d’une guerre civile.

Ce qu’elles signifient est simple: le régime qui a rogné tous les pans d’espoirs sur lesquels le peuple espérait s’accrocher est maintenant face à la foule. Il a épuisé son pain blanc.

En se levant pour lui dire non, en lui jetant à la face la force de sa tranquille puissance, en s’écartant des sentiers de sa tolérance légendaire, le peuple sénégalais a prouvé hier soir qu’il n’avait rien perdu de l’héritage de ses ancêtres.

Il a fait sienne la devise de son armée nationale au meilleur de ses jours quand elle n’est pas une milice au service d’un régime illégal: “On nous tue mais on ne nous déshonore pas”.

Cette devise est une libation pour ses ancêtres qui l’observent.

Les vents ont tourné. Comme les manifestants américains ayant forcé la justice à re-qualifier en meurtre l’acte ignoble du policier blanc, Derek Chauvin, qui a mis fin aux jours du noir américain George Floyd, ceux qui ont pris d’assaut les rues des villes et villages du Sénégal, dans un mouvement instinctivement synchronisé, ont jeté les bases d’un destin. Un nouveau jour se lève pour le Sénégal.

Sous le soleil éclatant qui l’annonce, une grande masse sombre et crapuleuse n’a plus vocation qu’à se retrouver dans la poubelle d’une grande histoire en gestation. Chasser Macky SALL du pouvoir et ses comparses pour en finir avec la criminalité ambiante est le défi que les manifestants ont décidé de relever.

Les ancêtres, là-haut, sourient. La misère que vit ce peuple ne sera qu’une parenthèse. Les rayons de soleil percent, vigoureusement, le grand peuple sénégalais est de retour.

Macky SALL n’est plus qu’un fétu de paille. Dans l’œil de la tourmente et du feu que ses méfaits, ses inlassables forfaitures, ont enfin fini par réveiller.

Le Sénégal se réveille dégourdi. Prêt à en découdre pour reprendre tous ses droits…

Adama Gaye, Le Caire 4 juin 2020

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