‘’Y’a en a marre de l’état d’urgence !’’. Ce cri de guerre est entendu à Touba, Diourbel, la région-centre qui est un estimateur important du ras-le-bol général qui anime la population sénégalaise suite à la prorogation de l’état d’urgence jusqu’au mois de juillet.
En effet, un peu partout dans le pays, ce sont des jactances de ce genre qui sont observées de par de nombreux citoyens confrontés aux rigueurs de la privation qu’induit l’état d’urgence assorti d’un couvre-feu.
La preuve, il suffit de faire un tour dans les localités de l’intérieur pour se rendre compte que le couvre-feu n’est plus respecté. A 21 heures, tout le monde est devant chez soi. Les Grand-Place ne désemplissent pas et même à Dakar, la capitale, des jeunes jouent tranquillement au football ou s’adonnent à d’autres activités.
Il n’est pas rare de voir beaucoup de personnes encore dans les rues après 21 heures et qui passent tranquillement aux côtés des forces de défense et de sécurité même si les voitures sont encore sévèrement contrôlées.
Du côté des transporteurs, c’est la solution radicale. Alassane Ndoye et ses camarades de la Cnts ont entamé une grève de deux jours, le mardi et le mercredi. Et d’autres syndicats de routiers se sont joints à la bataille. Ces syndicalistes et leurs membres protestent contre la fermeture prolongée des régions et l’interdiction de voyager de l’une à l’autre les empêchant ainsi de survenir à leurs besoins.
Ce sont d’ailleurs ces mêmes chauffeurs qui se sont révoltés pour faire face aux forces de l’ordre à Touba.
Tout pour dire que les mesures prises dans le cadre de la lutte contre la pandémie non seulement ont montré leurs limites, mais deviennent de plus en plus impopulaires.
Les populations y adhèrent de moins en moins du fait de la multiplication des arrêtés et des mesures contraignantes à forte implications économiques et sociales.
Pis, les mesures d’accompagnement qui devraient être diligentées dans le cadre du Plan de résilience économique sont à la traine. Vivres, masques et autres tardent. Ce qui ne fait qu’accentuer le ras-le-bol. Car, du côté des chauffeurs et transporteurs par exemple, la somme allouée leur a paru dérisoire au regard de la période restée sans rien faire.
En clair, le syndrome sud-africain guette le Sénégal. Dans ce pays, les populations confinées se sont finalement révoltées pour affronter les forces de l‘ordre parce qu’étant pour la plupart, dans l’impossibilité de survenir aux besoins primaires de survie.
Il nous semble, alors, qu’un réajustement est plus que nécessaire. Car, même si Dakar est l’épicentre de la pandémie et qu’il faille réagir avant qu’il ne soit trop tard, le semi-confinement a montré ses limites et le confinement total n’est pas possible.
C’est dire que c’est toute la stratégie de riposte qu’elle faudra revoir.
Car, la première erreur a été de la généraliser à toutes les régions alors que les réalités ne sont pas les mêmes et la seconde a été de n’avoir pas assez impliqué les populations et les leaders d’opinion.
Ailleurs, on parle de zone rouge, de zone orange et de zone verte. Parce que les réalités ne sont pas les mêmes à Touba et à Matam par exemple et la maladie ne frappe pas de la même façon une vieille personne et un jeune. Il faudra désormais savoir adapter la stratégie au contexte. Il faudra tenir compte des spécificités et adapter la stratégie au contexte économique, social, culturel et cultuel.
Une démarche qui demande une approche multidisciplinaire dans le cadre de comités qui ont le devoir d’écouter toutes les sensibilités et de tenir compte des spécificités en zones et entre personnes.
Mieux, il urge désormais d’apprendre à respecter sa promesse. Lorsque que l’on promet de mettre en place un Groupe d’intervention, il faudra le faire. Les promesses non-tenues sont encore plus insupportables en période de crise.
C’est pourquoi, toute stratégie future devra intégrer ses paramètres et s’inscrire dans une dynamique nouvelle afin qu’elle soit intégrée et auto-entretenue.
Assane Samb