Le temps où on vivait avec la peur d’être attaqué par le coronavirus est-il derrière nous ? La question mérite d’être posée. En tout cas, dans les quartiers de la banlieue dakaroise visités par votre serviteur, l’heure n’est plus au port du masque généralisé encore moins au respect de la distanciation sociale et autres gestes barrières. Les bonnes vieilles habitudes d’antan ont repris le dessus !
Nous sommes à la cité Aliou Sow de Fass Mbao. Trouvé dans sa boutique en cette matinée du dimanche 31 mai, Ibrahima, un commerçant d’origine guinéenne regrette que ses clients ne prennent plus la maladie au sérieux malgré le dispositif de prévention qu’il a mis à l’entrée de son magasin. « Vous voyez que j’ai installé ma petite bassine, ma bouilloire et mon savon à l’entrée de la boutique. Avant, tout client se lavait les mains avant de franchir le seuil de mon commerce. Mais, depuis quelques jours, j’ai constaté un relâchement de la part de mes clients. Les gens ne se lavent plus les mains. Même le port du masque n’est plus respecté comme avant » regrette-t-il. Dans la même rue de cette cité nichée entre la forêt classée de Mbao et la caserne de gendarmerie de la LGI, Cheikh Ba tient un atelier de tailleur.
Ce quarantenaire de taille moyenne et de teint clair, dit recevoir chaque jour au moins cinq clients. C’est pourquoi, indique-t-il, « je n’ai pas de sentiments par rapport au port du masque. Dès que quelqu’un se présente, je lui impose de le mettre si non je ne le reçois pas. D’ailleurs, j’ai mis une affiche à l’entrée pour informer les clients » fait-il savoir. Il ajoute avoir constaté chez les citoyens un relâchement qu’il ne saurait expliquer. Pour constater la véracité de ses propos, nous avons fait un tour dans la cité où notre tailleur est établi. Effectivement, dans chaque rue, nous avons trouvé des jeunes insouciants, certains se permettant même de jouer au « petit camp », c’est-à-dire au football, en faisant fi du moindre respect des gestes barrières édictés par les autorités sanitaires.
Autre commune visitée, celle de Tivaouane Diack Sao dans le département de Pikine. Nous sommes à Wakhinane, un quartier très populeux de la banlieue. A quelques mètres de l’arrêt de bus, nous entrons dans un magasin multi-services. Le gérant du nom de Abdoulaye Ba alias « Cri » est un cinquantenaire très connu dans la localité. Masque bien serré au visage, il reçoit des clients sans interruption. Et à chaque fois qu’il touche des billets de banque, il se frotte les mains avec du gel hydroalcoolique. Pourtant, parmi les clients trouvés sur place, rare sont ceux qui se sont protégé le visage. Interpellé sur cette violation, un jeune garçon nous répond en ces termes : « cette maladie ne me fait plus peur. Je doute même de son existence. Voyez-vous, on nous avait annoncé à plusieurs reprises des cas à Diamaguene. Mais jusqu’à présent, personne ne peut indiquer les maisons où habitent les cas déclarés ». A notre sortie du magasin de « Cri », cinq personnes assises sur un banc, à côté d’un cordonnier, discutent comme si on ne vivait pas dans une période de pandémie. Aucun port de masque encore moins respect de la distance réglementaire n’est constaté.
A dix minutes de marche de là, nous voilà à la frontière entre les quartiers Wakhinane et Diack-Sao 2. Un groupe de personnes trouvées en face d’une mosquée est en pleine discussion sur le retard apporté à la distribution des kits alimentaires offerts par le gouvernement. Ici au moins, les gestes barrières sont respectés. En plus de la distanciation physique requise, chacun est muni de son masque. El Hadj Athie, conseiller à la mairie de la commune, se dit exigeant à propos de cet acte qu’il qualifie de citoyen. « Nous sommes un groupe d’amis d’enfance. Depuis des années, nous nous retrouvons ici tous les jours pour discuter et maintenir nos relations d’amitié. Mais franchement, depuis le début de la pandémie, nous tenons au respect strict des mesures barrières. Il m’arrive même d’interpeller des personnes pour les obliger à mettre le masque » explique El Hadj Athie. Cette façon de voir est loin d’être partagée par un adolescent moins âgé mais aussi moins prévoyant face à la situation sanitaire qui ne le dérange aucunement. Assis avec ses amis au coin d’une rue, il dit être blindé contre le coronavirus. C’est pourquoi, il ne va rien changer de sa vie habituelle.
Ça joue au foot dans les quartiers comme si de rien n’était…