Dans la gestion de la pandémie, l’Etat du Sénégal a fait preuve d’une vraie déliquescence de son pouvoir coercitif, à bien des moments, face à la multiplication des contestations ou autres défiances à son égard. Si le Professeur en Science politique à l’Université Gaston Berger (Ugb) de Saint-Louis, Ibou Sané, préconise un «Etat fort» dans ce pays difficile à gouverner, avec des sanctions pécuniaires, son collègue MBA en Science politique, Cheikh Atab Badji qui trouve qu’on est dans une situation de «délire communautaire», opte pour une «communication communautaire».
Sur le plan juridique, «l’État peut être considéré comme l’ensemble des pouvoirs d’autorité et de contrainte collective que la nation possède sur les citoyens et les individus en vue de faire prévaloir ce qu’on appelle l’intérêt général, et avec une nuance éthique le bien public ou le bien commun», nous indique Wikipédia. Vu sous cet angle, l’Etat sénégalais a été très malmené ces derniers temps, notamment dans la gestion de la pandémie du nouveau Coronavirus.
Le constat est général. Le délitement de l’autorité de l’Etat et/ou la déliquescence de son pouvoir coercitif face aux contestations multiples notées çà et là, n’est plus à prouver. Sinon, comment comprendre le refus de certaines localités de se plier à l’interdiction de rassemblement comme à Médina Gounass, sans que les forces de l’ordre n’interviennent comme ce fut le cas ailleurs ? Ou encore, comment analyser le refus d’inhumer des décédés de Covid-19 dans certaines localités, comme à Diamaguène Sicap Mbao et à Malika, des quartiers de la banlieue ? Que dire des nombreux chauffeurs de transport interurbain récalcitrants, qui continuent de braver l’interdit de circuler entre les régions ? Quid par ailleurs de la défiance montrée devant les forces de l’ordre, lors de l’arrestation d’imams à Yoff Layène, à Guinaw Rail, lesquels avaient bravé les directives du pouvoir central ? Cette impuissance de l’Etat face à cette situation laisse perplexe plus d’un, d’autant plus que la loi d’habilitation a permis à l’Etat de s’arroger quasiment tous les pouvoirs. Interrogé par nos soins, le Professeur en Science politique à l’Université Gaston Berger (Ugb) de Saint-Louis, reconnait que l’Etat est «émotif» et qu’il écoute beaucoup les acteurs politiques et les «droits de l’hommistes» qui critiquent à longueur de journée, sans proposer des pistes de solution.
Pis, il est d’avis que le Sénégal est un pays très difficile à gouverner, d’autant plus qu’il y a beaucoup de paradoxes. Pour étayer son propos, il rappelle que nombreux étaient ceux qui réclamaient le rapatriement des dépouilles de Sénégalais décédés de la Covid-19 à l’étranger et paradoxalement, ces même personnes refusent que des Sénégalais morts du nouveau Coronavirus soient inhumées dans leur localité. Enfonçant le clou, il fait noter que certains Sénégalais réclamaient l’allégement des restrictions, mais quand le président a pris les mesures d’assouplissement des mesures, ils se sont mis à le critiquer. Pour tous ces paradoxes, le professeur de sociologie politique à l’Ugb de Saint-Louis préconise «un Etat fort» et «autoritaire». Il reste convaincu qu’il faut que le pays ait un président qui accepte de faire un seul mandat puis partir. Un seul mandat durant lequel il fera régner l’ordre dans le pays et brisera les chaines avec les religieux. Parce que pour lui, l’Etat joue à la souplesse parce qu’il a des visées électoralistes.
Pour autant, il dit être contre toute violence physique contre les populations, tout en suggérant plutôt les sanctions pécuniaires, à l’image du Canada. Son collègue MBA en Science politique, Dr Cheikh Atab Badji, qui reconnait qu’on est dans une situation de «délire communautaire», opte plutôt pour une autre approche. De l’avis du Dr Badji, tout au début de la pandémie, le discours était basé sur la peur, la mystification de la maladie. Maintenant, il pense qu’il faut agir sur la peur, mais aussi sur l’inconnu.
Plus clair, Dr Cheikh Atab Badji qui dit être contre toute répression, estime qu’il faut trouver «une communication communautaire», à savoir «horizontale», précise-t-il. Ce qui permettrait aux populations de s’approprier la lutte pour ne pas la laisser à l’Etat. Mieux, à son avis, il faut faire de telle sorte que l’individu soit convaincu que ses intérêts se trouvent dans la lutte et non que la lutte va à l’encontre de ses intérêts. Pour ce faire, il suggère à l’Etat de concocter une véritable stratégie communicationnelle. A titre d’exemples, il pense qu’on ne devrait plus parler du port du masque simplement, mais du bon port du masque. Ou encore, que l’Etat crée une compétition saine, à propos des bonnes pratiques.