Décidément, la chloroquine dérange. Après avoir été à peine tolérée au début de l’expansion de la pandémie en dehors de la Chine, ce médicament revient encore au centre de la polémique. Et par n’importe laquelle. Parce que, cette fois-ci, c’est la très sérieuse revue américaine ‘’The Lancet’’ qui relance la polémique par une étude rendue publique laquelle fait état du caractère inefficace de la chloroquine et de son dérivé l’hydroxychloroquine dans le traitement de la Covid-19, mais aussi de sa dangerosité qui peut se traduire par l’augmentation du nombre de morts.
Porté par le professeur Didier Raoult de l’Ihu de Marseille, le combat pour l’utilisation de la chloroquine a fait des émules jusqu’en Afrique.
Au Sénégal par exemple, le professeur Moussa Seydi, Chef du service des infections a reconnu qu’il faisait partie du protocole de soin dans notre pays. Il en est ainsi le cas dans plusieurs autres du continent et ailleurs dans le monde.
Mais l’étude américaine vient de porter un coup dur à cet espoir. Non pas parce qu’elle véhicule un pessimisme béat à l’égard du médicament, mais parce que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) n’a pas hésité à suspendre ses essais cliniques portant sur la chloroquine justement sur la base de l’étude. Et juste trois jours après la parution de l’article. Bizarre !
Car, tout s’est passé comme si l’Oms n’attendait qu’un prétexte pour participer à la croisade contre la chloroquine.
Or, le simple bon sens nous recommande d’être prudent. Sans être spécialiste, nous pouvons avancer, sans risque de nous tromper que l’étude a été faite aux Etats-Unis, sur des Américains et dans un contexte américain. Et, si l’on en croit de nombreux spécialistes, le virus a une énorme capacité de mutation. Ce qui, en termes clairs, veut dire que le coronavirus qui sévit dans la ville américaine objet de l’étude peut ne pas être le même qui sévit en Chine, en Inde ou en Afrique.
L’étude peut être scientifiquement défendable. Mais elle suppose que le virus agit de la même façon partout dans le monde et dans les mêmes contextes. Ce qui est loin d’être prouvé.
Il se peut en effet, et c’est fort probable, que le virus subisse une mutation en fonction des environnements, ce qui explique le ‘’miracle’’ africain de la contamination et de la morbidité réduites.
Dans ces conditions, la chloroquine peut aussi ne pas avoir les mêmes effets sur des sujets traités qui habitent en dehors du territoire américain. C’est juste une question de logique.
Qui plus est, nous attendions de l’Oms une attitude beaucoup plus prudente avec notamment le leadership en matière d’études au regard des moyens et du nombre de scientifiques qui y travaillent.
Prêter une oreille aussi attentive et aussi rapide à une étude fut-elle sérieuse nous amène à nous poser des questions.
En clair, nous restons convaincus que chaque pays a une ‘’manière’’ de prendre en charge ses malades du point de vue thérapeutique. En l’absence de médicaments et de vaccin et face à la rapidité de la contamination et au risque de morbidité subséquent, le personnel médical a la responsabilité de trouver d’urgence des solutions appropriées.
A ce propos, sous réserve des déclarations futures du Ministère de la santé et de ses spécialistes, nous pouvons d’ores déjà souligner que nous avons un nombre de guéris qui est aujourd’hui supérieur à celui des personnes sous traitement et un nombre de décès très faible qui se chiffre à 36.
Par conséquent, nous ne pouvons pas nous amuser à abandonner un traitement qui fait autant de bons résultats.
Même s’il est vrai que le traitement est largement symptomatique, il n’en demeure pas moins que les spécialistes en médecine de tous les pays sont fondés, en vertu de leurs serments, de tout faire pour soulager la douleur de leurs patients.
Et surtout quand des résultats encourageants sont engrangés, ce serait maladroit de ne pas les poursuivre.
Assane Samb