L’hôpital Fann de Dakar a reçu une bonne dotation en masques pour la ventilation non invasive (Vni) de cas graves de coronavirus, là où d’autres structures publiques de santé n’en disposent presque pas, et où le privé garde jalousement son peu de masques dans l’éventualité où surviendrait une flambée de cas graves. « Le Témoin » ouvre le débat avec des anesthésistes-réanimateurs du public et du privé.
Les « cas graves » de la pandémie du covid-19 en ventilation invasive et non invasive préoccupent aujourd’hui les autorités sanitaires du public comme du privé. Ce eu égard au nombre élevé de décès — 26 au total—, en moins de trois mois. Depuis la déclaration du « premier cas » le 02 mars et jusqu’au weekend dernier, il y a eu un total de 2544 cas positifs dont 1076 guéris et 1441 patients encore sous traitement. Parmi ces malades, certains font de la guérison spontanée selon les spécialistes de la santé. Une rémission que l’on retrouve rarement au niveau des cas graves dont certains, dans le coma, sont mis sous ventilation invasive, pour ne pas dire sous assistance respiratoire artificielle ou intubation.
D’autres cas « moins graves » et conscients peuvent, avec un peu de chance, être sauvés avec un respirateur à masque non invasif. C’est un masque posé sur le visage du patient et qui prend le nez et la bouche, et branché sur un respirateur normal. « On l’applique sur un patient non comateux », a expliqué Dr Babacar Niang, Directeur de la clinique Suma Assistance, selon qui l’objectif de cette ventilation, c’est de ne pas intuber le patient à un moment où il est conscient.
L’anesthésiste-réanimateur Pr khalifa Ababacar Wade de l’hôpital Principal explique que « la ventilation non invasive se fait si l’infection pulmonaire n’est pas trop sévère. on peut l’utiliser pour les patients en détresse minime à modérée, conscients. C’est pour éviter d’aborder directement les voies aériennes du patient par un tube. Mais il faut dire que les masques, c’est pour les patients qui coopèrent sinon ce sera un échec. il faut que le malade accepte d’abord ce qu’on va lui faire et qu’il comprenne aussi le processus. il faut qu’il soit conscient et coopère. Si on ne passe pas par cette étape, au bout de deux heures, il peut s’agiter et arracher l’appareil. Mais si le malade est inconscient, c’est l’intubation qui s’impose sinon il va inhaler le liquide et pourrait même faire un accident vasculaire cérébral ».
C’est tout le sens des effets secondaires dans la prise en charge médicale des malades dits cas graves.
Mais qui peut tout de même éviter les risques d’infection de l’intubation des graves, d’après Dr Niang de la clinique Suma Assistance selon qui « la bonne nouvelle avec cette forme de prise en charge des cas graves, est que non seulement on a moins de risque d’infection nosocomiale, mais aussi on a besoin de moins de respirateurs ». Car, explique l’urgentiste de métier, des respirateurs portables moins chers peuvent faire les modalités de ce type de ventilation. Et même certains montages à haute présence. Ce type de ventilation peut fonctionner sans respirateur, se faire hors réanimation et préserver les rares lits chauds de réanimation dont dispose les pays.
Malheureusement, le Sénégal n’en dispose pas (ndlr, de respirateurs portables) en nombre « suffisant » en cas d’une explosion de cas graves liés au coronavirus. Pour le Pr khalifa Ababacar Wade de l’hôpital Principal, qui prend en charge aujourd’hui une bonne partie des cas graves, autant la ventilation non invasive est très intéressante pour la gestion des cas graves de Covid, autant le non-respect des contre-indications peut être fatal. Quant à l’hôpital de Fann, il dispose d’un « nombre suffisant en masques Vni », selon Dr Mouhamadou Diallo. Sauf que l’utilisation de ces masques est très récente. « Au début, on ne savait pas qu’on devait les utiliser. En temps normal, on rencontrait rarement des malades à mettre sous ce type de masque. Un malade avec une affection aigue au niveau des poumons, c’était vraiment exceptionnel. Mais aujourd’hui, on masque, on intube. C’est avec la covid-19 qu’on a eu une importante quantité de masques en dotation. C’est la pharmacie qui nous en fournit. Je n’ai pas une idée du nombre de masques disponibles au niveau du service de réanimation de notre structure, mais ce qui sûr c’est qu’on en dispose. Personnellement, j’en ai 10 dans ma voiture. Je peux même prendre une photo pour vous
Selon lui, « tout est bien organisé à Fann avec une dotation à suffisance ». Le masque à ventilation non invasive n’est pas forcément quelque chose d’obligatoire mais peut faciliter le travail au prestataire de service. C’est l’avis d’un anesthésiste d’une clinique privée de la place. Selon lui, dans sa clinique, on utilise des masques simples à harnais appelés araignées. Selon ce professionnel de la santé, toutefois, l’assistance pour cas graves peut se faire autrement avec un masque simple à harnais doté d’un trou à quatre crochets pour mettre les lanières. « J’en dispose d’un seul. il n’y en a pas assez dans le privé même si on en dispose quand même. Et c’est au cas où on aura une flambée de cas graves liés au Covid-19 avec de réels problèmes dans la prise en charge. Ce n’est pas dans nos habitudes d’utiliser la Vni, ça coûte cher aussi », indique notre source.
Un avis différent de celui de son collègue de Suma Assistance. « Les appareils spécifiques à la ventilation non invasive ne sont pas chers. Il y a de petites tailles et poids qui peuvent être commandés de l’étranger en peu de temps et moins onéreux tant au prix qu’au transport. Le modèle Bousignac, par exemple, n’a pas besoin de respirateur. Ces appareils sont légers et peuvent être commandés en moins de 48 heures par transport express en cargo aérien. C’est possible aussi qu’il y ait des stocks dans beaucoup de dons qu’on reçoit. Le cargo de dons de matériels de riposte au covid-19 et la double commande du ministère de la Santé et de l’Action sociale doivent en contenir en nombre suffisant », selon Dr Babacar Niang.
A en croire le patron de Suma Assistance, « la Covid-19, avec un nombre non négligeable de cas graves et des respirateurs en nombre insuffisant et d’usage avec mauvais résultats, le taux élevé de décès pour une durée d’hospitalisation longue, la Vni à domicile est même possible ». Selon le patron de Suma Assistance, « la règle dit que les médecins doivent utiliser les moyens de façon obligatoire en respectant l’actualité. Aujourd’hui, les grands respirateurs automatiques peuvent tout faire. il suffit juste de faire un petit réglage pour passer de ventilation invasive à ventilation non invasive. Je pense que le centre Cuemo de l’hôpital de Fann, qui est ultra moderne, doit disposer de respirateurs modernes. De même que les nouveaux centres de Diamniadio, Touba, … », suppose l’anesthésiste de clinique privé interrogé plus haut.
Le Témoin