Non atteinte de l’autosuffisance en riz : Le Pnar indexé

par admin

Lancé en 2014 par le président de la République Macky Sall dans un contexte international inhabituel où les plus grands exportateurs de riz, comme l’Inde, étaient devenus progressivement des importateurs, le programme autosuffisance en riz au Sénégal en 2017 reste encore une équation difficile à résoudre. Malgré des centaines de milliards injectés dans des programmes comme le Programme national d’Autosuffisance en Riz (Pnar), l’impact réel en termes de production n’est toujours pas au rendez-vous. Six ans après, Sud Quotidien interpelle des spécialistes et acteurs du milieu agricole, dans un contexte de Covid-19 où la résilience alimentaire se pose avec plus d’acuité encore.

OMAR NDAO FAYE, CHERCHEUR A L’ISRA : «IL EST TEMPS DE REVOIR OBJECTIVEMENT ET SCIENTIFIQUEMENT LES PROBLEMES»

Omar Ndao Faye, chercheur à l’Institut Sénégalais de recherches agricoles (Isra), spécialiste en sélections variétés riz, est d’avis que «la dernière version (2014) du Programme national d’autosuffisance en riz (Pnar) n’est pas reluisante». Au départ, explique-til, «l’objectif était de 60 000 ha en une saison et annuellement 120 000 ha ». C’est pourquoi, fait-il observer : «Si en 2020 l’on parle de 50 000 ha comme record, je pense très sincèrement qu’il y a urgence de s’asseoir pour revoir ensemble les problèmes». Pour ce spécialiste en sélections variétales en riz, à l’Isra de Saint Louis, «l’urgence s’impose de voir objectivement et scientifiquement les problèmes en termes de développement et moyens financiers injectés pour atteindre un objectif jusqu’ici chimérique». Et d’ajouter: «J’avoue que le gouvernement a mis beaucoup d’argent dans le Pnar, mais jusqu’à présent, les résultats ne sont pas au rendezvous». Il en appelle donc à «une évaluation ». Et d’asséner une conviction «Tant qu’un diagnostic profond et transparent n’est pas fait, l’autosuffisance en riz au Sénégal ne sera qu’un vœu pieux».

DE GRANDS PAS DANS LA SELECTION ET LA PRODUCTIVITE DES SEMENCES

Sur la question semencière, Omar Ndao Faye, spécialiste en sélection riz, convoque ses propos de 2016. Il affirmait alors que « La recherche est fin prête pour accompagner l’autosuffisance en riz». Suite aux travaux effectués, il constatait : «Nous avons des variétés qui sont en train d’être diffusées et qui, au niveau rendement, montrent qu’on a des potentialités beaucoup plus fortes aussi bien au niveau de la vallée qu’à l’échelle nationale». Mieux, fait il remarquer, «pour la saison pluviale, nous sommes en train de tenter des variétés pluviales de plateau, de 70 jours». Il précise que la même chose «est en train d’être fait au niveau des bas-fonds avec des variétés hybrides qui donnent de bons rendements». Relevant que de « grands pas » ont été faits, Omar Ndao Faye affirmera que des recherches sont en train d’être menées pour «les variétés adaptées à la sécheresse et à la salinité».

BABA DIALLO, PRODUCTEUR DE RIZ DANS LA VALLEE : «Il faut auditer le Pracas et le Pnar»

Baba Diallo, producteur de riz dans la vallée, conseille pour sa part le président de la République, Macky Sall, d’auditer d’abord les deux programmes que sont le Programme d’accélération de la cadence de l’agriculture sénégalaise (Pracas) et le Programme national d’autosuffisance en riz (Pnar) qui ont englouti des centaines de milliards sans de réels impacts. Il n’en revient pas encore de la situation qui s’offre à ses yeux. Aussi s’est-il exclamé : «Je suis estomaqué de voir autant d’argent injecté dans le Programme d’autosuffisance en riz depuis lors sans de réels résultats ». A cause de tout cela, il «demande au chef de l’Etat de garder d’abord ces 20 milliards annoncés pour «assurer» l’autosuffisance alimentaire au Sénégal post Covid-19 et de faire auditer le Pracas et le Pnar, deux programmes qui ont englouti des centaines de milliards depuis des années sans résultats escomptés». Pour lui: «un pays qui aspire à l’émergence, au développement doit nécessairement bâtir ses politiques publiques sur la gestion axé sur les résultats (Gar)». D’où l’importance de se donner «la peine de faire l’évaluation des actions réalisées». Le constat est amer puisque, fera-t-il remarquer, «dans ce pays, c’est l’inverse qui marche». Et sous ce rapport, dirat-il: «J’estime que c’est inacceptable de dérouler un programme sans rendre compte et au même moment continuer à gérer les deniers publics de manière opaque».

LA VOLONTE POLITIQUE N’EST PAS SINCERE

Au regard de ce qu’il constate sur le terrain, Baba Diallo déplore «un manque réel de volonté politique à faire un bond en avant ». Ce qui lui faire dire que : « Tant que les rôles seront intervertis, difficile sera le chemin vers l’autosuffisance en riz». En clair: «Que les politiques fassent la politique, les producteurs produisent, les chercheurs se consacrent à la recherche, le gouvernement joue son rôle d’organisation, de contrôle et surtout de respect des règles édictées pour parvenir à un objectif clairement affiché». A défaut, souligne Baba Diallo, c’est courir le risque de voir «des politiques bien rangés du côté du pouvoir s’introduire dans le secteur agricole uniquement pour capter les ressources allouées à la subvention des intrants, à l’accompagnement des producteurs au vu et su des autorités étatiques».

ABOUBACRY SOW, DG DE LA SAED : «1.015.000 tonnes de paddy produits»

Interpellé sur le fait que l’objectif de l’autosuffisance en riz en 2017 n’est toujours pas atteint, le Dg de la Société d’aménagement et d’exploitation des terres du Delta et de la Vallée du fleuve Sénégal (Saed), Aboubacry Sow, rétorque que «l’Etat, à lui seul, ne peut tout supporter». Selon le Dg: «En 2014, on ne produisait pas plus de 300.000 tonnes de riz de paddy au Sénégal. La vallée à elle seule, donnait quelque 250 000 tonnes et le reste était produit dans le Sud du pays (Anambé et autres rizières)». Ainsi, il fait remarquer qu’«en 2017, nous avons atteint 1.015.000 tonnes de paddy produits». Se félicitant de ce résultat «remarquable», il poursuit: «Tout ceci a été rendu possible grâce au Pracas, avec l’avènement des cultures pluviales. Et l’apport des cultures pluviales était de 53% contre 47% pour les cultures irriguées. Tout le contraire dans le programme initial qui prévoyait 57% pour les cultures irriguées contre 43% pour les cultures pluviales».

URGENCE D’ATTEINDRE LA SOUVERAINETE ALIMENTAIRE

En visite sur des périmètres emblavés dans la vallée du fleuve Sénégal le week-end dernier, Aboubacry Sow, Dg de la Saed indiquait que «la pandémie du Covid-19 qui a fini de gagner tous les pays du monde, avec une quasi paralysie de l’économie mondiale, montre à suffisance qu’il faudrait que nos pays soient autonomes du point de vue de leur alimentation».

Le Dg de la Saed de rappeler que «depuis 2012, le Sénégal s’est engagé dans cette perspective par la mise en place du programme d’autosuffisance alimentaire en riz dans la vallée, ainsi que le Programme d’accélération de la cadence de l’agriculture sénégalaise (Pracas)». M. Sow a ainsi relevé que «le chef de l’Etat, en Conseil des ministres, avait donné des instructions pour aller vers cette souveraineté alimentaire, pour toutes productions alimentaires, notamment les produits céréalières et horticoles (en 2014)». Pour lui, «Cette souveraineté alimentaire » est «la seule voie de salut pour notre pays pour faire face à ces événements qui peuvent arriver et qui sont imprévisibles».

WALY DIOUF, COORDONNATEUR DU PNAR : «Le Sénégal est en bonne voie pour l’autosuffisance en riz»

L e coordonnateur du Programme national d’autosuffisance en riz (Pnar), Waly Diouf, est plus que jamais convaincu que l’autosuffisance en riz est juste une question de temps. Ainsi, dira-t-il: «Le Sénégal est en bonne voie pour l’autosuffisance en riz. Il est plus que nécessaire de ne jamais dormir sur ses lauriers, mais au contraire, rester toujours engagé pour poursuivre la construction de la chaine de valeur riz national car, il y va de notre souveraineté». Pour se convaincre de la bonne voie, il soutient : «Je peux citer, sans être exhaustif, le fait que le Sénégal qui importait de la semence est devenu autosuffisant et même prêt à exporter ; le niveau de mécanisation et particulièrement la motorisation des activités de production est inédite ». Et de poursuivre : «les difficultés liées à l’écoulement des eaux en riziculture irriguée sont grandement améliorées ; les aménagements ont fortement augmenté en riziculture irriguée et pluviale ; le niveau de production de riz paddy et de riz blanc a très fortement augmenté ; la qualité du riz sénégalais n’a plus rien à envier à n’importe quel riz à travers le monde». Pour Waly Diouf, « le riz sénégalais d’excellente qualité est désormais commercialisé partout sur le territoire national et toute l’année etc…»

En six ans, le Pnar a reçu de l’Etat plus de 75 milliards

A en suivre Waly Diouf, tout ceci a été rendu possible grâce à l’appui financier conséquent de l’Etat: «Entre 2014 et 2019, l’Etat du Sénégal a investi, sur ressources propres, plus de 75 milliards dans la riziculture pour améliorer le niveau d’accès des producteurs aux intrants de qualité, renforcer et moderniser les équipements de production, de récolte et de transformation, améliorer la maitrise de l’eau agricole ainsi que les services de conseil, sans compter l’apport des Partenaires Techniques et Financiers». Le coordonnateur du Pnar n’a pas manqué de relever le diagnostic qui a été fait en 2014 sur toute la chaine de valeur riz et qui ressortait beaucoup de contraintes de divers ordres. Parmi elles :«le déficit d’accès à des semences de qualité, le manque d’équipement, l’insuffisance des aménagements et le manque d’entretien des périmètres aménagés, le manque d’infrastructures de stockage, le déficit du conseil, etc.» Après avoir noté que «chaque action posée depuis lors est destinée à résoudre une ou plusieurs de ces difficultés»,

PROBLEMES D’ORDRE ENVIRONNEMENTAL ET INSTITUTIONNEL

Pour mieux appréhender la situation, M. Diouf indique qu’«on peut comprendre que la proximité de l’Océan Atlantique provoque la salinisation des terres, ce qui rend compliqué la pratique de la riziculture». Il y a, «aussi l’insuffisance de la pluviométrie dans la majorité des régions qui limite les performances que le Sénégal pouvait avoir dans la production de riz, car, le riz n’est pas une plante aquatique, mais aime beaucoup l’eau».

Il relève ainsi que «les contraintes d’ordre institutionnel sont plus relatives à l’insuffisance de ressources humaines, matérielles et financières». Auparavant, il renseigne qu’«en 2014, l’image de la riziculture sénégalaise était peu reluisante». A l’en croire, «dans la riziculture irriguée, en plus de la faiblesse des aménagements, s’ajoutaient des problèmes liés à l’écoulement des eaux d’irrigation et de drainage, au manque de tracteurs, de moissonneuses-batteuses, de rizeries aux normes, etc.»

Il constate que «la riziculture pluviale était abandonnée à ellemême, produisant peu avec un rendement très faible et un sous équipement honteux». Et d’ajouter: «aujourd’hui, grâce aux ressources massivement investies, beaucoup d’acquis ont été enregistrés dans la riziculture, même si l’objectif quantitatif d’arriver à 1,6 million de tonnes n’a pas été atteint». Ce qui explique selon Waly Diouf, que «le Président Macky Sall, soucieux d’anticiper sur les conséquences du Covid-19, a réitéré, à maintes reprises ces derniers temps, sa volonté déjà fortement affirmée, de voir le Sénégal autosuffisant en riz»

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