La tyrannie des besoins : la zizanie de l’aide

par admin

Les années passent, les pratiques dolosives perdurent, à des niveaux qui dépassent l’entendement. La distribution de l’aide à la presse a toujours fait l’objet de critiques et de controverses au sein des bénéficiaires, alimentées par les différents ministres qui se sont succédés à la tête de la tutelle du secteur de la presse. (voir article «La pitoyable danse du scalp)

Le principe de l’aide à la presse découle de l’idée que celle-ci, assurant une fonction de service public, sur autorisation de la puissance publique, doit bénéficier du soutien de l’État afin d’être en mesure de remplir ses missions, dans des conditions de fiabilité et de viabilité correctes, en s’affranchissant des pressions de toutes sortes, de toutes origines.

Dans le modèle français dont notre pays s’est inspiré, le décaissement d’argent public en faveur des organes de presse représente une mesure complémentaire, conjoncturelle, pour aider à résorber en partie des pertes d’exploitation et un déficit de trésorerie pouvant impacter le fonctionnement et les différents emplois de l’entreprise de presse, (charges d’exploitation y compris les ressources humaines), de manière à préserver son indépendance et son autonomie. C’est ce rôle de l’État régulateur, jacobin que cette France-là a inoculé à ses ex-colonies, qui en ont détourné la pratique jusqu’à la caricature, en forçant le trait. Le plus important dans cette politique d’appui à la presse réside dans la conception d’un modèle économique pertinent et adapté, avec la promotion d’un environnement économique favorable et un écosystème médiatique sain et émulatif.

Des mesures structurelles inscrites dans les politiques publiques et des sources de financement avec des lignes de crédit segmentées, adaptées aux besoins différenciés des medias, sont sur la table du gouvernement depuis belle lurette, sans faire l’objet d’un examen attentif et bienveillant. A ce propos, cet argent public distribué à la tête du client et au gré des accointances de certaines autorités, aurait plus utilement d’impact, s’il était versé dans le fonds d’appui à la presse dont le projet est jusqu’à présent enseveli dans les alcôves du ministère de la Communication. Ce fonds, adopté et proposé à l’unanimité à l’Etat par les entreprises de presse et les professionnels dignes de ce nom, prévoit en effet plusieurs guichets avec des critères d’éligibilité rigoureusement pertinents.

En lieu et place d’une distribution à fonds perdus, il prévoit le remboursement des crédits alloués aux entreprises de presse, même s’il intègre la possibilité d’octroyer des subventions à petite échelle et à la demande, sur la base de la satisfaction aux critères donnant l’accès à ce fonds. Plus d’une dizaine de milliards auraient pu être engrangés et alloués aux organismes de presse qui ont le souci de respecter la légalité en se constituant en véritables entreprises, sous le régime du Droit des sociétés. Ce serait la meilleure manière d’assainir le secteur, d’éliminer les passe-droits d’en finir avec ce saupoudrage d’une aide aliénante et corrosive qui jette en pâture les acteurs de la presse à l’opinion et aux récriminations de certains secteurs d’activités, à d’autres citoyens, agents économiques exclus de ce genre de «privilèges».

La presse comme la société, et l’Etat ont tout à gagner de ce changement de paradigme. Le doublement de l’aide à la presse n’aura pas l’impact prévu sur la plupart des entreprises ciblées, si d’aventure un groupe de presse régulièrement établi comme Dmedias, pour prendre un exemple, avec une télévision, un journal quotidien et plusieurs chaînes de radio à travers le pays, reçoit 20 ou 30 millions pour faire face à l’exigence de maintien des emplois, au risque de ne pas faire fonctionner l’entreprise vu que le montant alloué couvre à peine un mois de charges. Il est même arrivé, l’année dernière, qu’un groupe de presse de la dimension de Dmedia, avec près de 300 emplois directs et indirects, reçoive 15 malheureux millions là où un de ses correspondants en région, salarié de la boîte, récupère 5 millions de francs cfa au titre d’un site en ligne connu de lui seul et de certains membres de son entourage.

La tyrannie des besoins exclut l’attitude bien tentante consistant à renoncer à cette obole, malgré l’injustice (punitive ?) et les disparités notées dans le traitement inéquitable de cette aide «à la paresse», comme la brocarde un membre d’une centrale syndicale, vétéran des luttes ouvrières. Le favoritisme et le clientélisme ont toujours été la marque de fabrique et la démarche de certaines autorités qui, à force de prétextes fallacieux, se servent d’abord, en retenant dans les caisses du ministère de la Communication une quote-part – une commission?- que rien ne justifie, sauf la volonté de se constituer une cagnotte sous forme de fonds libres…de tout contrôle.

Ensuite viennent la kyrielle de médias, journaux traditionnels et sites en ligne, à la dévotion du régime et de quelques affidés, dont certains créés juste le temps de capter leur part de « tong tong » ou portion d’aide, sans oublier ceux qu’«il faut gérer» même s’ils ne sont même pas donné la peine de créer une entreprise. Un ordinateur suffit à ces scribouillards du clavier -qui donnent le tournis aux véritables professionnels- connectés à des réseaux d’aboyeurs et de brouteurs du Net, chasseurs de primes au service du plus offrant.

En traînant les pieds pour adopter les mesures proposées par les professionnels ayant fait l’objet d’accords consensuels, les autorités semblent plus enclines à tirer profit du désordre et de la précarité, sources de toutes les «mal practices» qui gangrènent le secteur des médias au Sénégal. Une typologie manichéenne, classique dans la conception reptilienne de nos Etats, répertorie les médias entre «bons» et «mauvais». «Mauvais» sont ceux qui refusent de courber l’échine ou de se laisser appâter ou amadouer. «Bons», évidemment, ceux qui acceptent le rôle de « héraut », parcimonieusement récompensés suivant les tâches auxquelles ils sont préposés. Dans ces jeux de mains, jeux de vilains, un seul perdant, le journalisme, à la fois engagement au service de la société, éthique normative avec ses impératifs catégoriques, passion avec tout ce que cela recouvre de souffrance en lien avec un pathos à forte récurrence.

A l’évidence, le Président de la République a une plus haute idée de la fonction originelle et organique de la presse du moins dans son énoncé, que certains de ses ministres et hauts cadres de son administration. Il lui arrive d’adopter des postures qui reflètent une claire conscience du rôle primordial d’une presse crédible, libre et économiquement viable. Le système dans lequel il s’est enserré lui permet-il de dépasser le stade des velléités, des considérations politiciennes pour envisager un rapport à l’information autre et avec la presse, à l’aune du respect mutuel de leurs postures et de leurs missions respectives? Jamais dans notre histoire contemporaine, un chef d’État n’a été aussi « entouré » par des professionnel(le)s des médias et de la communication que l’actuel Président de la République. Il a l’occasion unique de faire faire à notre société, sénégalaise et démocratique des avancées notables et enviables en matière de pluralisme, libertés individuelles, collectives, politiques chevillés autour des libertés d’expression et de presse. Cependant, ce sont des signaux contradictoires voire contraires qui émanent de son magistère.

Dimanche 3 mai 2020, jour de célébration de la Journée de la Presse, aucun écho du palais si prompt à twitter pour ce genre d’événements et d’autres de bien moindre importance. Personne parmi les journalistes et les communicants autour de lui pour lui rappeler la date et lui proposer un tweet. Heureusement que le ministre de la Communication, à travers un communiqué de presse, s’est hissé à la hauteur, en saluant comme il se doit, le travail des journalistes et en déplorant les désagréments qu’ils rencontrent dans l’exercice de leur sacerdoce, particulièrement en ces temps d’incertitudes liées à la pandémie du Coronavirus. Il n’empêche !

Il est vrai que les premiers concernés, les journalistes eux-mêmes ne se sont pas beaucoup manifestés – à la notable exception du Secrétaire général de Synpics et de très rares organes de presse- pour célébrer leur journée alors qu’ils passent 365 jours 1/4 à parler des autres! Quand est-ce que les journalistes comprendront que ceux qui les cajolent, les dorlotent, les divisent et les répriment au besoin, n’ont que faire d’eux (d’elles). Ce qui intéresse cette engeance, ce sont leurs supports dont ils veulent faire des suppôts. La promotion d’une presse professionnelle, crédible et forte n’entre pas dans leurs plans qui pourraient être, nolens volens (bon gré, mal gré) contrariés. Par contre, une presse en permanence sur le gril, voilà la belle affaire, surtout pour les gens d’affaires, les affairistes et ceux qui sont aux affaires ou aspirent à en être.

Calame

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par admin

Les années passent, les pratiques dolosives perdurent, à des niveaux qui dépassent l’entendement. La distribution de l’aide à la presse a toujours fait l’objet de critiques et de controverses au sein des bénéficiaires, alimentées par les différents ministres qui se sont succédés à la tête de la tutelle du secteur de la presse. (voir article «La pitoyable danse du scalp)

Le principe de l’aide à la presse découle de l’idée que celle-ci, assurant une fonction de service public, sur autorisation de la puissance publique, doit bénéficier du soutien de l’État afin d’être en mesure de remplir ses missions, dans des conditions de fiabilité et de viabilité correctes, en s’affranchissant des pressions de toutes sortes, de toutes origines.

Dans le modèle français dont notre pays s’est inspiré, le décaissement d’argent public en faveur des organes de presse représente une mesure complémentaire, conjoncturelle, pour aider à résorber en partie des pertes d’exploitation et un déficit de trésorerie pouvant impacter le fonctionnement et les différents emplois de l’entreprise de presse, (charges d’exploitation y compris les ressources humaines), de manière à préserver son indépendance et son autonomie. C’est ce rôle de l’État régulateur, jacobin que cette France-là a inoculé à ses ex-colonies, qui en ont détourné la pratique jusqu’à la caricature, en forçant le trait. Le plus important dans cette politique d’appui à la presse réside dans la conception d’un modèle économique pertinent et adapté, avec la promotion d’un environnement économique favorable et un écosystème médiatique sain et émulatif.

Des mesures structurelles inscrites dans les politiques publiques et des sources de financement avec des lignes de crédit segmentées, adaptées aux besoins différenciés des medias, sont sur la table du gouvernement depuis belle lurette, sans faire l’objet d’un examen attentif et bienveillant. A ce propos, cet argent public distribué à la tête du client et au gré des accointances de certaines autorités, aurait plus utilement d’impact, s’il était versé dans le fonds d’appui à la presse dont le projet est jusqu’à présent enseveli dans les alcôves du ministère de la Communication. Ce fonds, adopté et proposé à l’unanimité à l’Etat par les entreprises de presse et les professionnels dignes de ce nom, prévoit en effet plusieurs guichets avec des critères d’éligibilité rigoureusement pertinents.

En lieu et place d’une distribution à fonds perdus, il prévoit le remboursement des crédits alloués aux entreprises de presse, même s’il intègre la possibilité d’octroyer des subventions à petite échelle et à la demande, sur la base de la satisfaction aux critères donnant l’accès à ce fonds. Plus d’une dizaine de milliards auraient pu être engrangés et alloués aux organismes de presse qui ont le souci de respecter la légalité en se constituant en véritables entreprises, sous le régime du Droit des sociétés. Ce serait la meilleure manière d’assainir le secteur, d’éliminer les passe-droits d’en finir avec ce saupoudrage d’une aide aliénante et corrosive qui jette en pâture les acteurs de la presse à l’opinion et aux récriminations de certains secteurs d’activités, à d’autres citoyens, agents économiques exclus de ce genre de «privilèges».

La presse comme la société, et l’Etat ont tout à gagner de ce changement de paradigme. Le doublement de l’aide à la presse n’aura pas l’impact prévu sur la plupart des entreprises ciblées, si d’aventure un groupe de presse régulièrement établi comme Dmedias, pour prendre un exemple, avec une télévision, un journal quotidien et plusieurs chaînes de radio à travers le pays, reçoit 20 ou 30 millions pour faire face à l’exigence de maintien des emplois, au risque de ne pas faire fonctionner l’entreprise vu que le montant alloué couvre à peine un mois de charges. Il est même arrivé, l’année dernière, qu’un groupe de presse de la dimension de Dmedia, avec près de 300 emplois directs et indirects, reçoive 15 malheureux millions là où un de ses correspondants en région, salarié de la boîte, récupère 5 millions de francs cfa au titre d’un site en ligne connu de lui seul et de certains membres de son entourage.

La tyrannie des besoins exclut l’attitude bien tentante consistant à renoncer à cette obole, malgré l’injustice (punitive ?) et les disparités notées dans le traitement inéquitable de cette aide «à la paresse», comme la brocarde un membre d’une centrale syndicale, vétéran des luttes ouvrières. Le favoritisme et le clientélisme ont toujours été la marque de fabrique et la démarche de certaines autorités qui, à force de prétextes fallacieux, se servent d’abord, en retenant dans les caisses du ministère de la Communication une quote-part – une commission?- que rien ne justifie, sauf la volonté de se constituer une cagnotte sous forme de fonds libres…de tout contrôle.

Ensuite viennent la kyrielle de médias, journaux traditionnels et sites en ligne, à la dévotion du régime et de quelques affidés, dont certains créés juste le temps de capter leur part de « tong tong » ou portion d’aide, sans oublier ceux qu’«il faut gérer» même s’ils ne sont même pas donné la peine de créer une entreprise. Un ordinateur suffit à ces scribouillards du clavier -qui donnent le tournis aux véritables professionnels- connectés à des réseaux d’aboyeurs et de brouteurs du Net, chasseurs de primes au service du plus offrant.

En traînant les pieds pour adopter les mesures proposées par les professionnels ayant fait l’objet d’accords consensuels, les autorités semblent plus enclines à tirer profit du désordre et de la précarité, sources de toutes les «mal practices» qui gangrènent le secteur des médias au Sénégal. Une typologie manichéenne, classique dans la conception reptilienne de nos Etats, répertorie les médias entre «bons» et «mauvais». «Mauvais» sont ceux qui refusent de courber l’échine ou de se laisser appâter ou amadouer. «Bons», évidemment, ceux qui acceptent le rôle de « héraut », parcimonieusement récompensés suivant les tâches auxquelles ils sont préposés. Dans ces jeux de mains, jeux de vilains, un seul perdant, le journalisme, à la fois engagement au service de la société, éthique normative avec ses impératifs catégoriques, passion avec tout ce que cela recouvre de souffrance en lien avec un pathos à forte récurrence.

A l’évidence, le Président de la République a une plus haute idée de la fonction originelle et organique de la presse du moins dans son énoncé, que certains de ses ministres et hauts cadres de son administration. Il lui arrive d’adopter des postures qui reflètent une claire conscience du rôle primordial d’une presse crédible, libre et économiquement viable. Le système dans lequel il s’est enserré lui permet-il de dépasser le stade des velléités, des considérations politiciennes pour envisager un rapport à l’information autre et avec la presse, à l’aune du respect mutuel de leurs postures et de leurs missions respectives? Jamais dans notre histoire contemporaine, un chef d’État n’a été aussi « entouré » par des professionnel(le)s des médias et de la communication que l’actuel Président de la République. Il a l’occasion unique de faire faire à notre société, sénégalaise et démocratique des avancées notables et enviables en matière de pluralisme, libertés individuelles, collectives, politiques chevillés autour des libertés d’expression et de presse. Cependant, ce sont des signaux contradictoires voire contraires qui émanent de son magistère.

Dimanche 3 mai 2020, jour de célébration de la Journée de la Presse, aucun écho du palais si prompt à twitter pour ce genre d’événements et d’autres de bien moindre importance. Personne parmi les journalistes et les communicants autour de lui pour lui rappeler la date et lui proposer un tweet. Heureusement que le ministre de la Communication, à travers un communiqué de presse, s’est hissé à la hauteur, en saluant comme il se doit, le travail des journalistes et en déplorant les désagréments qu’ils rencontrent dans l’exercice de leur sacerdoce, particulièrement en ces temps d’incertitudes liées à la pandémie du Coronavirus. Il n’empêche !

Il est vrai que les premiers concernés, les journalistes eux-mêmes ne se sont pas beaucoup manifestés – à la notable exception du Secrétaire général de Synpics et de très rares organes de presse- pour célébrer leur journée alors qu’ils passent 365 jours 1/4 à parler des autres! Quand est-ce que les journalistes comprendront que ceux qui les cajolent, les dorlotent, les divisent et les répriment au besoin, n’ont que faire d’eux (d’elles). Ce qui intéresse cette engeance, ce sont leurs supports dont ils veulent faire des suppôts. La promotion d’une presse professionnelle, crédible et forte n’entre pas dans leurs plans qui pourraient être, nolens volens (bon gré, mal gré) contrariés. Par contre, une presse en permanence sur le gril, voilà la belle affaire, surtout pour les gens d’affaires, les affairistes et ceux qui sont aux affaires ou aspirent à en être.

Calame

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