Le Sénégal est entré de plein pied dans la phase 2 de l’épidémie. Un stade qui risque d’aller vite vers le basculement au stade 3 si la courbe de propagation du coronavirus continue d’évoluer de manière vertigineuse, comme l’attestent des spécialistes de l’épidémie.
A la date d’hier, mardi 28 avril, 517 cas de Covid-19 sont sous traitement pour une moyenne d’enregistrement journalière de 50 cas positifs depuis la semaine dernière. Une situation préoccupante pour le Sénégal, quand on sait que le nombre de lits disponibles pour accueillir les cas positifs sur le territoire sénégalais s’élève à un plus de 500 lits comme l’annonçait le docteur Abdoulaye Bousso du Centre des opérations d’urgence sanitaire (Cous).
Il s’y ajoute le manque de spécialistes (maladies infectieuses, anesthésistes réanimateurs) pour la prise en charge de cette pathologie surtout les cas graves hospitalisés dans les régions. Face à toutes ces préoccupations, l’Organisation mondiale de la santé alerte alors qu’au même moment, le professeur Massamba Diouf, épidémiologiste, fait savoir que « ces vagues vont conduire à un débordement des services de santé et vont forcément entrainer un engorgement de ces structures. En ce moment, le personnel ne pourra pas faire face».
Le Sénégal est classé 9ème depuis ce weekend parmi les pays du monde où le coronavirus évolue à une vitesse fulgurante. Depuis la semaine dernière, le Sénégal a rehaussé le dépistage en franchissant la barre des 500 tests par jour. Ce qui augmente le nombre de cas positifs. S’il y a dix jours, les malades guéris de Covid-19 étaient supérieurs au nombre en traitement, ce n’est plus le cas car la balance a très vite basculé en une semaine en faveur des patients pris en charge allant jusqu’à doubler le taux de guérison.
A la date du mardi 28 avril, 517cas sont retenus dans les centres de traitement implantés sur tout le territoire sénégalais contre 296 cas guéris depuis la déclaration de la maladie au Sénégal le 02 mars dernier pour un enregistrement total de 823 cas positifs. Si le comité de réponse de la pandémie avait fait une prévision de 500 lits pour accueillir les malades victimes de Covid-19 comme l’annonçait le docteur Abdoulaye Bousso du Centre des opérations d’urgence sanitaire (Cous) dans une de ces communications, ce nombre semble dépassé par les cas en traitement. Certaines localités à l’image de Touba qui est la 2ème ville la plus touchée par la pandémie après Dakar n’a plus de lits pour accueillir d’autres malades.
La population et certains acteurs de la santé ont fait la demande pour l’ouverture d’un autre centre pour venir en appoint au seul site de traitement. Dakar suit son objectif de mettre aux normes certaines structures de santé pour abriter les malades. Ainsi, après Fann qui est la structure de référence de prise en charge, des hôpitaux comme Dalal Diam, Principal, Ordre de Malte, Diamniadio ont ouvert leurs portes depuis la deuxième quinzaine du mois de mars pour désengorger le centre de Fann qui se trouve au niveau du service des maladies infectieuses.
Les hôpitaux comme Idrissa Pouye de Grand Yoff ex Cto, Le Dantec, Pikine entre autres se préparent pour accueillir des cas dans les jours à venir, font savoir des sources du ministère de la Santé et de l’action sociale. Ce qui favoriserait l’augmentation des lits disponibles. Cependant, malgré toutes ces prévisions faites par le ministère de la Santé et de l’action sociale, le Sénégal risque de ne pas tenir la corde si les cas déclarés continuent à flamber atteignant plus de 1000 cas en traitement comme le disait le professeur Moussa Seydi en charge du traitement du coronavirus.
A cet effet, au rythme où évolue le coronavirus dans le pays avec un enregistrement journalier de 50 cas positifs par jour, le Sénégal file tout droit vers la catastrophe, surtout qu’une prise en charge adaptée et adéquate va être impossible pour ces malades. D’où la pertinence de l’alerte de l’organisation mondiale de la santé (Oms) qui, par la voix de sa représentante résidente, a soutenu dimanche dernier sur les ondes de Sud Fm : « le Sénégal peut atteindre la barre des 1200 cas dès la semaine prochaine et 10 mille en un mois. Le taux d’occupation des lits est de 62%, mais si jamais les cas augmentent, il va falloir réviser la procédure et voir peut-être est-ce qu’il y aura des cas pris en charge à l’hôpital et pour d’autres une prise en charge extrahospitalière ».
Pour le professeur Massamba Diouf, épidémiologiste qui se prononçait dans un média la place : « nous sommes à la phase 2 de l’épidémie. Cette phase correspond à la propagation de la maladie sur le territoire national. Mais si on n’applique pas des mesures appropriées avec des stratégies qui conviennent, on peut facilement basculer vers la phase 3 qui est caractérisé par une vague pandémique. Ces vagues vont entrainer un débordement des services de santé et vont forcément entrainer un engorgement de ces structures. En ce moment, le personnel ne pourra pas faire face».
MANQUE DE PERSONNEL ET PLATEAU TECHNIQUE OBSOLETE
Le coronavirus est venu mettre à nu l’incapacité des systèmes sanitaires à prendre en charge des épidémies. Et cette réalité est plus observée dans les pays en voie de développement qui peinent à prendre correctement en charge les malades atteints de coronavirus.
Ainsi, dans cette dispensation de soins, il n’y a pas seulement le problème de disponibilité de lits qui se pose mais le déficit de personnes qualifiées et de matériel de pointe surtout pour la prise en charge des cas graves. Au Sénégal, seul le centre de Cuemo peut être considéré comme celui qui respecte les normes édictées par l’Oms. Toutefois dans le pays, si les grandes villes disposent d’infrastructures de qualité, hôpitaux, clinique, structures d’urgence, ce n’est pas le cas dans les régions les plus reculées ou dans les périphéries. Certaines régions manquent même de spécialistes pour la prise en charge de certaines pathologies et leurs structures sont dépourvues de plateau technique qualifié. C’est le cas des régions de Ziguinchor, Sédhiou, Matam, Tambacounda, Kédougou, Louga entre autres.
Pour le centre de traitement de Covid-19 de Ziguinchor, le professeur Seydi avait déclaré lors de sa visite dans le centre de traitement que le service de réanimation de ladite localité ne répondait pas aux normes pour la prise en charge de cas graves. Une déclaration qui a mis mal à l’aise le ministère de la Santé et de l’action sociale. Face à cette situation, l’on se pose même la question de savoir dans quelles conditions travaillent les dispensateurs de soin, les médecins en spécialisation qui assurent la continuité des soins dans le but de sauver des vies. Et ces décès enregistrés à Louga, Ziguinchor n’étaient-ils pas les conséquences de cette « défaillance, faute de matériels adaptés».
MANQUE DE PERSONNELS SOIGNANTS I
l s’y ajoute un manque criard de spécialistes soignants. Ainsi, dans presque tous les centres de traitements, le personnel soignant est composé dans sa plus grande majorité par des prestataires de soins, des techniciens entre autres. Concernant les infectiologues, ils sont en voie de disparition au niveau du Sénégal. Le professeur Moussa Seydi fait figure de porte-étendard.
Dans un communiqué du collectif des médecins en spécialisation en date du 22 avril, le bureau exécutif soulignait à l’endroit du ministère de la santé et de l’action sociale que dans cette lutte contre le coronavirus : « L’histoire nous a donné raison dans notre combat pour la généralisation des bourses de spécialisation à tous les médecins, pharmaciens et dentistes car les spécialités que vous définissez comme étant non prioritaires telles que les maladies infectieuses et tropicales, la pneumologie (sur quels arguments) occupent aujourd’hui le devant de la scène dans la lutte contre Covid-19 ».
Et de poursuivre : « les médecins en spécialisation (Des) qui sont titulaires d’un diplôme d’Etat en médecine, assurent des consultations, le suivi des patients hospitalisés des gardes ainsi que certains actes médicaux et chirurgicaux. Dans l’écrasante majorité des hôpitaux de la région du Sénégal, on note l’absence de spécialistes.
Face à cette situation, la réanimation des centres hospitaliers régionaux de Kaolack, Ziguinchor, Fatick, des services pédiatrie, Kaolack, Sédhiou, le centre cardio Kolda sont assurés en permanence par les médecins en spécialisation ». Aujourd’hui, le Sénégal fait face à 9 décès avec tout ce cocktail explosif, l’heure est grave et la situation critique avec un manque de respirateurs, à savoir moins de 15 dénombrés dans le pays et qui répondent aux normes de l’urgence.