L’annulation de la dette africaine, fortement réclamée par le chef de l’Etat Macky Sall, à divers occasions et dans divers médias, est différemment appréciée par les acteurs politiques. Interrogés par nos soins, Pape Diallo alias Zator Mbaye, ministre conseiller de l’Alliance des forces de progrès (Afp) applaudit des deux mains et invite la jeunesse africaine à porter le combat.
Même son de cloche du côté du coordonnateur adjoint des non-alignés, Babacar Ndir, président du Parti pour la démocratie, la citoyenneté et la République (Pdcr) qui estime pour sa part que l’Afrique ne doit rien à l’Europe. De son côté, Daouda Ndir, coordonnateur des Cadres de la République des valeurs, qui se dit pessimiste quant à l’aboutissement de la requête du chef de l’Etat, suggère plutôt le rapatriement du fonds de garantie du CFA logé dans la banque de France.
ZATOR MBAYE MINISTRE CONSEILLER, COORDONNATEUR DE LA COORDINATION DES JEUNES DE BBY : «Il nous appartient, nous autres jeunes, de nous engager dans ce combat-là»
«Le président Macky Sall est l’un des présidents africains les plus jeunes. Il s’est mis dans la prospective qui parle de l’annulation de la dette. La question est tellement pertinente qu’aujourd’hui, elle a interpellé la première personnalité de l’Eglise mondiale. L’annulation de la dette pourrait permettre de libérer une certaine Afrique, aujourd’hui otage de certains organismes financiers. Elle permettrait forcément la résilience, mais aussi de donner à la jeunesse africaine, parce que cette annulation-là vise la jeunesse et non les personnes du troisième âge, de meilleures opportunités sur le continent. A terme, ça pourra freiner ce que l’on appelle aujourd’hui le phénomène de la migration clandestine. Parce que, si nous annulons la dette africaine, cela va donner plus d’opportunités à la jeunesse africaine et ceux-ci resteront sur le continent pour pouvoir le développer. Forcément, rien ne se passera comme avant, parce que nous allons vers un nouvel ordre mondial.
C’est l’une des raisons d’ailleurs pour lesquelles je voudrais engager la jeunesse sénégalaise, africaine. Les ministres de la Jeunesse africaines doivent se réunir, faire un plaidoyer pour soutenir cette demande pressante, mais pertinente du président Macky Sall qui a été reprise par des personnalités, notamment le président français. Donc, il nous appartient, nous autres jeunes, de nous engager dans ce combat-là, d’envoyer un plaidoyer avec toute la jeunesse politique, apolitique, de la société civile, les jeunes artistes, n’importe qui, que nous comprenons la pertinence de cette position. Parce que le Covid-19 n’est pas sans effet immédiat, mais peut avoir un acte positif sur ce que le continent deviendra demain, sur ce que les jeunesses africaines deviendront demain».
DAOUDA NDOYE, COORDONNATEUR DES CADRES DE LA REPUBLIQUE DES VALEURS : «Nous proposons le rapatriement des fonds qui garantissent le CFA au niveau de la France»
«L’appel du chef de l’Etat, par rapport à l’annulation de la dette, est un appel que nous saluons fortement et qui vient à son heure. Annuler la dette est une bonne chose. Mais, ne pas s’endetter est encore meilleur. S’endetter tout en sachant là où on met les billes. Nous pensons que, si les 9.000 milliards qui ont été consacrés à des infrastructures comme le Train express régional (Ter), au Stade du Sénégal récemment inauguré en grande pompe, à la construction du Centre international Abdou Diouf de Diamniadio à hauteur de 50 milliards, avaient été utilisés pour rénover chaque hôpital régional, aujourd’hui on n’en serait pas là. Même si nous sommes favorables à l’annulation de la dette, il faut savoir raison garder. Il faut être lucide. Parce que les bailleurs, les investisseurs ne sont pas des enfants de cœur.
Ce n’est pas parce qu’il y a une crise sanitaire que l’annulation de la dette va se faire. Il faudrait réfléchir à des mécanismes de soulagement de la dette, à des reports d’échéances qui sont beaucoup plus flexibles sur lesquels les investisseurs vont être beaucoup plus friands à nous accompagner, plutôt que de parler d’annulation de la dette. Le problème de la dette est un problème crucial longtemps évoqué, depuis le temps de Thomas Sankara. Il a vaillamment lutté, mais il n’a pas eu gain de cause. Donc, nous sommes dubitatifs. La réponse à cette question est pour nous double.
D’une part, nous disons que l’annulation de la dette pourrait aider notre pays à sortir de l’ornière, mais de l’autre, il ne faut pas qu’on soit dans le rêve, parce que nous ne croyons pas à cette annulation. Nous sommes plutôt pessimistes. Nous proposons même, en lieu et place de l’annulation de la dette, que les fonds qui garantissent le CFA au niveau de la France, soient rapatriés. C’est beaucoup plus facile que d’annuler la dette».
BABACAR NDIR, PRESIDENT DU PDCR, COORDONNATEUR ADJOINT DES NON-ALIGNES : «Il faudrait que tous les Africains portent ce combat»
«Nous pensons que le président Macky Sall a raison de demander l’annulation de la dette en cela que, aujourd’hui, à cause de cette crise qui n’a pas encore montré toutes ses facettes et qui nous portera forcément un préjudice sur le plan économique, social, etc. Donc, nous pensons que cette dette doit attendre, et même mieux, on doit l’annuler. L’avenir du Sénégal et même de l’Afrique est dans cette annulation de la dette. Parce que, aujourd’hui, si nous regardons l’histoire, l’Afrique ne doit pratiquement rien à l’Europe. Au contraire, c’est l’Europe qui doit quelque chose à l’Afrique. Que faites-vous de ces siècles d’esclavage ?
Que faites-vous de la colonisation ? Que faites-vous de la spoliation de nous ressources ? Que faites-vous des guerres qui ont été engendrées par l’Europe ? Au vu de tout cela, ces gens ne peuvent pas venir voler à l’Afrique tout ce qu’elle avait et se permettre de venir simplement venir prêter à l’Afrique et ensuite vouloir que coûte que coûte l’Afrique lui rembourse.
Nous pensons que ce que l’Europe a fait comme mal à l’Afrique n’est même pas comparable à la dette que lui doit simplement l’Afrique…Ceux qui parlent d’une humiliation ou d’une mendicité n’ont rien compris. Il va falloir que l’Europe puisse annuler la dette pour permettre aux pays africains, au sortir de la crise, de pouvoir faire une véritable relance économique dans le sens du développement de l’Afrique. Il faudrait que tous les Africains portent ce combat. Ce n’est plus une question de président de la République ».