Elles craignent que la manne soit captée par les grands promoteurs hôteliers. Elles expriment leurs craintes et interpellent l’Etat.
Face à la crise économique induite par l’apparition du Covid -19 depuis mars dernier au Sénégal, le secteur du tourisme touché de plein fouet, bénéficie d’une enveloppe de 32 milliards de francs dans le cadre du programme de résilience économique mis en place par le chef de l’Etat. Pour autant, les petites et moyennes entreprises (PME) du secteur du tourisme ne se sentent pas sorties de l’auberge car elles craignent que cette enveloppe soit captée par les grands promoteurs hôteliers. En outre, elles estiment minimes leurs chances d’être éligibles au fonds de garantie de 200 milliards institué pour aider les entreprises impactées par la pandémie à bénéficier de prêts remboursables un an après. Autour du député Malick Guèye, le collectif qu’elles ont constitué compte mener le combat pour que leurs voix soient audibles auprès de l’autorité.
Depuis le début de l’année, le monde tout entier traverse une crise sanitaire sans précédent due à l’épidémie du Covid-19. Au Sénégal, l’apparition des premiers cas au mois de mars a précipité la fermeture de nos frontières avec les pays les plus touchés par cette pandémie, en l’occurrence la Chine, la France, l’Espagne, l’Italie, les Etats-Unis etc. Il se trouve que ces pays, ceux européens surtout, portaient à eux seuls plus de 60 % des touristes au Sénégal.
Par conséquent, cette pandémie a plongé le secteur touristique dans un sommeil profond. La preuve par la fermeture de quasiment tous les établissements hôteliers sur ordre du gouvernement. L’Etat, interpellé, a cru devoir prendre certaines mesures. C’est ainsi que le 3 avril, à l’occasion de son traditionnel message à la Nation à la veille de la Fête de l’Indépendance, le président de la République a annoncé la mise en place d’un programme de résilience économique, notamment dans le secteur du tourisme.
Le 14 avril, le ministre du Tourisme et des Transports aériens a livré plus de détails sur ce programme, plus exactement le volet destiné au secteur qu’il gère. Lequel bénéficie d’une enveloppe de 77 milliards de francs qui se décompose comme suit : 45 milliards pour le transport aérien ; 12 milliards pour les hôtels réquisitionnés ; 5 milliards pour les entreprises et agences du portefeuille de l’Etat (ASPT, SAPCO etc.) ; 15 milliards pour le crédit hôtelier.
Sur la Petite côte, un des berceaux du tourisme sénégalais, pullulent des entreprises vivant du tourisme et ayant un réel besoin d’aide. Hélas, elles ont peur que l’aide destinée au secteur ne bénéficie seulement qu’à une minorité de «grands» hôteliers capables plus qu’elles de faire du lobbying pour capter toute cette manne financière au détriment de la majorité des acteurs. «Déjà, les grandes entreprises du secteur, sont certainement en contact avec le ministère (Ndlr, du Tourisme et des Transports Aériens) représentées par la Fédération des Organisations Patronales des Industries Touristiques du Sénégal (FOPITS). Mais les PME ne sont pas forcément organisées et risquent donc de ne pas être représentées alors que ce sont elles qui sont le plus en danger», alerte le Collectif des PME du secteur du tourisme.
Ainsi, le ministre de tutelle est interpellé pour que les PME ne soient pas ignorées dans la répartition de l’aide destinée au secteur du tourisme et des transports aériens. «A Monsieur le Ministre, nous sollicitons d’être pris en compte dans la répartition de cet appui, car nous sommes plus fragiles que ces propriétaires hôteliers milliardaires», ont crié les membres du collectif. Pour le député Malick Guèye et compagnie, les petits commerces des zones touristiques, les restaurants touristiques, le village artisanal, les salons de beauté, les boutiques de transfert d’argent, de change, les chauffeurs des transports touristiques, les salles de sports, les agences de voyage, les régies immobilières, les guides touristiques etc. devraient être pris en compte dans la répartition des fonds débloqués par l’Etat pour venir en aide au secteur touristique de manière large.
«Toutes ces petites entreprises ont un réel besoin d’aide. Beaucoup pourraient ne pas survivre plus de deux ou trois mois si cette situation perdure. Et derrière ces entreprises, il y a des employés qui risquent d’être fragilisés à long terme, si ces entreprises disparaissent», plaide Boly Guèye, président de l’antenne départementale de Mbour du Syndicat d’Initiative du Tourisme. «Ces entreprises ont un réel besoin d’aide, pour pouvoir payer leurs charges, leur loyer, leurs employés et pour les plus petits simplement pouvoir avoir un revenu pour assurer la survie de leur famille», embraie Stéphane, un Ukrainien propriétaire d’un restaurant à La Somone.
«LE FONDS DE GARANTIE DE 200 MILLIARDS N’AIDERA PAS LES PME»
Il convient de signaler que parmi la batterie de mesures annoncées dans le cadre du Programme de résilience économique, figure l’ouverture d’un fonds de garantie de 200 milliards de Frs CFA pour permettre aux entreprises de disposer de crédits de trésorerie et de prêts rapides remboursables seulement un an après la fin de l’épidémie du Covid-19.
Toutefois, face à une situation déjà périlleuse, les petits entrepreneurs ne voudront pas contracter des emprunts qui constitueraient pour eux une charge supplémentaire à moyen ou long terme, estime le collectif des PME du secteur du tourisme. Un collectif qui reste convaincu que même si elles envisagent cette solution, le Fonds de garantie mis à la disposition des banques sera difficilement utilisable par les PME, si les procédures bancaires ne changent pas, surtout avec l’analyse du risque crédit. «Pour les banques, la garantie ne fait pas le crédit, mais c’est la confiance qui fait le crédit et malheureusement les banques ne font confiance qu’aux riches, donc un gérant d’un petit restaurant pourra difficilement convaincre un banquier que son exploitation pourrait à court terme supporter les échéances et frais financiers», fait valoir avec pertinence le collectif.
La question fondamentale pour ce dernier est de voir comment l’aide de 15 milliards de francs pourra bénéficier aux PME du tourisme qui en ont un réel besoin pour survivre. Parmi les solutions envisageables, le collectif préconise que les grandes entreprises du secteur, qui sont certainement plus solides et qui pourront bénéficier du fonds de garantie de 200 milliards Frs CFA, laissent une large part des 15 milliards d’aide pour les PME, faisant ainsi preuve de solidarité dans ces moments difficiles.
Pour mieux réussir son action, le collectif invite le ministre du Tourisme et des Transports Aériens à faire une visite de terrain sur la Petite côte pour constater de visu l’impact de la crise humanitaire créée par le Covid -19. Ce afin qu’il puisse avoir tous les éléments d’appréciation pour mieux arbitrer quant à la répartition de l’aide. Le collectif des PME a aussi annoncé son intention d’effectuer une tournée de sensibilisation prochainement au Cap Skirring (Casamance).