La société civile mitigée

par admin

Le chèque astronomique d’un milliard de F CFA de Tahirou Sarr, remis au ministre du Budget, Abdoulaye Daouda Diallo, dans le cadre du fonds Force-Covid-19, fait plus de bruit que les espèces sonnantes et trébuchantes du petit «gorgorlou». Pour cause, l’auteur du juteux don est cité dans l’affaire des 94 milliards du fameux TF 1451/R, au même titre que l’ancien Directeur des domaines, Mamour Diallo. Qui plus est, cette affaire est toujours pendante devant la justice, à moins que le Doyen des juges n’ait reçu l’ordre du Procureur de la République de classer sans suite la double plainte d’Ousmane Sonko. En tout état de cause, des acteurs de la société civile, à savoir Amacodou Diouf, du Consortium des ONG d’Appui au Développement (Congad) et Sadikh Niasse de la Rencontre africaine de défense des droits de l’homme (Raddho), ou encore Moundiaye Cissé de l’Ong 3D,  restent mitigés sur ce don très controversé.

AMACODOU DIOUF, CONSORTIUM DES ONG D’APPUI AU DEVELOPPEMENT (CONGAD)

«La morale dicte qu’on lui retourne cet argent en attendant que les choses soient vidées»

«En élaborant le document de base concernant la subvention et l’acceptation des dons, on ne pouvait pas au préalable aller jusqu’à cette spécificité. S’il se trouve qu’on a identifié des gens qui, pour des problèmes d’argent, ont été cités en justice, là maintenant on ne peut pas recevoir facilement cet argent-là, compte tenu du fait que l’affaire est pendante en justice, surtout quand il s’agit d’affaire financière. Je crois que le milliard de cette personne-là (Tahirou Sarr) doit être retourné en attendant que la justice se prononce sur la question. S’il s’avère qu’effectivement il n’est pas fautif, en ce moment-là, il ne sera jamais trop tard de faire une subvention à l’Etat pour des questions d’ordre social. Il pourra le faire. 

Mais, dans ce cas précis, je crois que la morale dicte à ce qu’effectivement, on lui retourne cet argent en attendant que les choses soient vidées, compte tenu qu’il a un contentieux financier devant la justice.  Je n’ose pas dire qu’il y a une volonté cachée derrière cette enveloppe d’un milliard.

Mais, d’habitude en Afrique, c’est des cas de blanchiment, etc. Maintenant, chez nous, on appelle ça des cas de corruption. On fait des gestes à l’endroit des gens pour acheter leur conscience. Mais, comme je vous l’ai dit, je ne dis pas que c’est le cas. Tout indique, dans ce cas d’espèce, que les gens retournent vers la justice pour voir si le cas est vidé ou pas».  

SADIKH NIASSE, RENCONTRE AFRICAINE DE DEFENSE DES DROITS DE L’HOMME (RADDHO)

«Comme il y a la présomption d’innocence, on peut prendre l’argent en attendant de voir plus clair»

«Dès lors que le cas est devant la justice, rien ne nous dit que le milliard-là sort de ces 94 milliards incriminés dans cette affaire. Donc, il faut aussi savoir raison garder par rapport à cette affaire et attendre que la justice tranche. Souvent, quand il y a un cas devant la justice, nous, on privilégie la présomption d’innocence. Tant que la personne n’est pas jugée coupable par un tribunal, on présume qu’il se pourrait qu’elle soit innocente.

Sur ce, peut-être qu’il faudrait s’armer de beaucoup de prudence par rapport à ce fonds qu’on est en train de collecter pour assister les victimes. Cela, pour que ça ne soit pas issu de fonds impropres de détournement, etc. Mais, cela ne peut pas être sur la base de simples présomptions pour dire que le milliard que Tahirou Sarr a donné pour le compte de sa société, certainement, provient de fonds que lui-même aurait détournés dans d’autres affaires.

Si c’est un milliard qui provient d’une société, alors ça pourrait ne pas être les mêmes sources que les 94 milliards. Maintenant, en attendant que l’affaire soit jugée pour savoir s’il est coupable ou non, on peut lui accorder cette présomption de bonne foi.

L’argent, on en a besoin. Même si c’était issu de l’argent d’une amende ou bien d’une sanction à verser dans ce budget de guerre, on en a besoin. Comme il y a la présomption d’innocence, rien ne dit que la personne est coupable ou non, pour le moment on peut prendre l’argent en attendant de voir plus clair avec le jugement qui va venir. Maintenant, comme on n’est pas sûr que l’argent provient des fonds qui auraient été détournés, je pense qu’on peut se réserver d’émettre des doutes sur sa bonne foi.

S’il y a maintenant des cas avérés de détournement, que cet argent ne puisse pas servir à alimenter un fonds Covid-19. Il faudrait vérifier si vraiment le détournement est avéré. Si on a des doutes, comme on le dit en justice, le bénéfice du doute profite à l’accusé. Comme le disait Trump (président américain), quand on lui a dit : «pourquoi vous prenez le matériel que la Russie vous a donné ?», il a dit ; «j’en ai besoin». On a un grand besoin d’argent en attendant de gagner cette guerre puis on revient aux affaires par rapport au détourné supposé des 94 milliards. A mon avis, il faudrait séparer les deux affaires».

MOUNDIAYE CISSE, SECRETAIRE EXECUTIF ONG 3D

«C’est une affaire très complexe parce qu’il y a cette double équation : la présomption d’innocence face à la question de la morale»

«Je pense que c’est une affaire très complexe parce qu’il y a cette double équation : la présomption d’innocence face à la question de la morale. Tout d’abord, jusqu’au moment où nous parlons, Tahirou Sarr n’a pas fait l’objet de condamnation. De ce point de vue, on ne peut parler que de présomption d’innocence. Donc, étant dans le principe de la présomption d’innocence, jusqu’à preuve du contraire, il est innocent. Comme tout Sénégalais, il peut contribuer à l’effort de guerre.

Toutefois, l’Etat doit être prudent, dans la mesure que c’est une affaire qui a fait l’objet de beaucoup de bruit. Parce que, même s’il bénéficie de la présomption d’innocence, étant donné qu’il est cité dans une affaire assez sérieuse au niveau national, l’Etat devrait être prudent par rapport à cet acte et devrait le prendre sous réserve pour éviter que demain, on lui oppose une collusion avec le mis en cause.

Parce que, même s’il n’est pas condamné, le fait qu’il soit mis en cause et que cette affaire ait fait déjà l’objet d’une enquête parlementaire, tout cela devrait pousser l’Etat à être plus prudent et plus discret dans cette transaction. Parce que, sinon, on pourrait penser que ça peut influencer demain l’action publique qui pourrait être prise.

Cela ne cache en rien la transparence, parce que certains peuvent dire pourquoi l’Etat doit être très discret. Mais, le fait de faire des photographies et tout ce bruit, c’est cela qu’il fallait éviter. Mais, jusqu’à présent, dès lors qu’il bénéficie de la présomption d’innocence, il est considéré comme innocent».

 

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