Le DéfiI de l’exécution

par admin

Le discours prononcé à la vieille du 60ième anniversaire de l’indépendance du Sénégal a été empreint de sobriété et de solennité. Pour autant, il ne saurait se suffire à lui-même, à moins de lui prêter une puissance performative, au risque de s’abîmer dans les méandres d’une approche magico-religieuse bien loin de faire ses preuves. Fort heureusement,  se faisant le chantre de la résilience sociale et économique (voir ci-contre), le chef de l’Etat a plutôt semblé s’inscrire dans une logique de l’action, dont du reste, les populations font montre quotidiennement. Et c’est précisément cela qui aide le pays à tenir, à ne pas imploser, sous l’assaut de frustrations multiples qui se nourrissent de la pauvreté et de la précarité.

Ainsi, enfermée dans l’entre-deux de l’informel, l’écrasante majorité de la population, bien loin des 3 % des emplois formels, se déploie à coup d’ingéniosité et de courage, dans l’espoir de s’en sortir.

Le chef de l’Etat a par la même occasion exhorté l’Afrique à prendre son destin en main, rappelant ainsi le panafricanisme sans lequel rien ne pourra se faire dans un monde de rapports de forces. Là aussi, le dynamisme de la migration et des relations intra-africaines permettent d’entrevoir l’avance des populations sur leurs dirigeants. Il est donc arrivé le temps de rompre avec les rhétoriques paresseuses et de sonner la mobilisation.

Mais voilà qu’un tragique fait divers de ce week-end vient moucher les légitimes et salvatrices attentes.

Nuitamment, en pleine période d’Etat d’urgence, des enfants de la haute bourgeoisie sénégalaise qui s’étaient « confinés » dans un confortable appartement ont pu s’exfiltrer à la suite de la survenue de la mort accidentelle de l’une d’entre eux. Comment ont-ils pu, en plein couvre-feu, dans une ville quadrillée par les forces de défense et de sécurité ?  Ont-ils bénéficié d’autorisations de circuler ?  A quel titre !

En tout état de cause, au-delà de ce drame qui frappe les familles concernées, cela dénote une fois de plus l’absence de cohérence et de rigueur qui piègent les résolutions des autorités. Sans compter des bars et autres lieux de convivialité qui, nous rapporte-t-on, sont ouverts dans ces zones au profit de quelques pontes du pouvoir. Cela est d’autant plus stupéfiant, que de tels manquements disent quelque chose de leur coupable arrogance en cette période de sainte alliance pour lutter contre le Covid 19. Un virus invisible qui lui, ne fait pas dans la discrimination, logeant tous les continents et toute l’espèce humaine dans la même brutalité de sa circulation mortifère. 

En plus de mettre à nu le visage hideux de la mondialisation, elle est dépourvue de solidarité. Chantre de la libre circulation et du libre-échange, elle ferme les frontières, se replie dans ses tranchées, se ferme les yeux et se bouche les oreilles. Elle est prête à tous les coups, même les plus tordus, pour sauver sa peau, comme on le voit avec les Etats-Unis qui ne s’embarrassent guère de détourner à leur profit et au prix fort les commandes de masques de leurs alliés en Chine. Obligés de pallier une situation de pénurie qui, faut-il le relever au passage, est la conséquence de politiques de délocalisations tous azimuts, au détriment de la sécurité intérieure des pays.

 En tout état de cause, l’avenir en pointillés qu’a dessiné le discours du chef de l’Etat n’a de chance de s’actualiser que dans un changement de paradigmes, tant il urge d’opérer des ruptures catégoriques au niveau de la gouvernance politique et économique.

C’est le lieu de rappeler qu’en ces temps de lutte contre la pandémie de coronavirus, une équipe de 4 enseignants-chercheurs de l’école polytechnique de Thiès a conçu un prototype de respirateur artificiel et attend avec impatience la validation des autorités compétentes. Que des tailleurs proposent des masques qui méritent d’être testés. Vent debout, récusant toute forme de découragement, cette énergie qui sourde dans divers segments de la société raconte une résilience conquérante, celle qui récuse toute forme de renoncement. Si le discours du président a eu le mérite de prendre la mesure des enjeux, il se trouve plus que jamais confronté au défi de l’exécution.

Calame

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