L’empressement, course à la capitulation, faisait mal au cœur même à leurs pires ennemis. Leurs supporters, assommés, restaient sans voix, proches d’une attaque cardiaque en série.
Le prétexte, tout coronavirus qu’il était, ne suffisait à quiconque était lucide pour justifier ce retournement théâtral d’individus qui feignaient jusqu’alors la fermeté éthique face à un Macky SALL qu’ils accusaient, voici un an, d’avoir volé les résultats de l’élection présidentielle pour s’incruster à un poste qui ne lui revenait plus.
Malgré l’alignement des instances institutionnelles, juridiques, policières, médiatiques, le silence coupable des diplomates étrangers, la passivité de la population et de ses leaders socioreligieux, l’attitude de rejet de l’opposition sénégalaise contre l’assassin de la volonté électorale du peuple était jusqu’à récemment d’une dignité qui faisait beau à voir.
Le brigand SALL le savait et le sentait. Le rejet de sa “victoire” électorale acquise par la fraude et la manipulation, le chantage et les menaces sur les corps de contrôle du processus électoral, le mettait mal à l’aise.
Si bien qu’il en était devenu lourd dans son corps, son regard était fuyant, ses décisions ne respiraient aucune autorité respectable. Cet homme était assiégé. Bunkerisé. Son sommeil perdu.
Pain bénit
C’est dire que la crise du Corona était arrivée comme pain…bénit pour qu’il puisse sortir de son réduit et avoir le courage d’engager un dialogue avec nombre d’acteurs publics qui jusqu’alors refusaient sa main tendue.
Puis soudain donc, la semaine dernière, on eut droit à une course d’ânes ou celle du type qu’on faisait naguère dans des sacs de jutes dont les protagonistes n’étaient autres que les opposants irréductibles du régime honni. Têtes baissées, oreilles bouchées, leurs positions politiques récentes oubliées, hurlant, plutôt, toutes sortes d’explications scabreuses tirées par les cheveux, les résistants d’hier se transformèrent, comme sur un coup de gris-gris imparable, et au profit de l’homme qu’ils combattaient, en promoteurs d’un discours centré sur l’union sacrée.
La vitesse avec laquelle ils sont allés le lui dire au palais de la république dégoulinait d’indignité. Dans leurs plus beaux atours, le message poli, fruit de longues sessions de répétition, des trémolos dans la voix, comme dans un sketch théâtral, ils n’avaient rien négligé pour signifier qu’ils n’y étaient venus que pour rendre les armes.
On pouvait les voir qui en costume traditionnel qui en tenue occidentale, sur leur 31, pour frapper les imaginations. Tous avaient cependant le signe de la capitulation dans les regards et la gestuelle.
Doigt sur la couture du pantalon, salutations complices voire complaisantes à la kung-fu, imposées par le maître des céans, rires en coin, ils se livraient vaincus, honteux, et, pis, malhonnêtes, se revêtant des malheurs de la nation pour justifier la mise aux enchères de leurs valeurs et vertus restantes.
Irruption du Corona
Autant dire qu’en s’enrobant de l’irruption du Corona sur notre territoire national pour ainsi aller à Canossa, s’aplatir, les figures les plus reconnues de l’opposition sénégalaise ont avalé fierté et vomissures pour se soumettre à celui dont elles rejetaient, il y a encore peu, jusqu’à la légitimité.
Que ce dernier se soit arrangé, de surcroît, pour les mettre dans un même paquet avec de louches membres de la société civile, plus espions de son pouvoir branlant qu’authentiques représentants de l’intérêt général, en disait long sur le piège dans lequel, sans recul, ils étaient bêtement tombés.
S’ils en doutaient encore, il leur a fallu voir deux jours après leur passage sur la scène du déshonneur les gaies tronches des pires thuriféraires de Macky SALL pour évaluer la hauteur de leur chute mortelle.
Il y avait là Mbaye Pekh, Mansour Mbaye, Salabigue et autres troubadours pour répéter leur gratitude à leur bienfaiteur érigé en unificateur de la nation face à l’ennemi viral. Visages resplendissants, ils exhibaient toutes leurs dents, sous les flashs des caméras d’une télévision nationale n’en revenant pas d’une telle aubaine qu’une opposition infantile, voire corrompue, avait servie à un adversaire qui n’en croyait pas ses yeux.
Nous sommes conscients que la gravité et l’imprévisibilité de la pandémie du coronavirus pouvait justifier un effort pour la combattre. Sans doute, la meilleure façon eut été de le faire par un soutien verbal à l’action du corps médical ou par la production d’un mémo rendu public avec des idées contre la pandémie et ses conséquences collatérales.
– [ ] En allant répondre à la convocation au palais de la république, à un individu délégitimé, sans qu’il l’accompagne de termes de références clairs ni ne donne de gages d’honnêteté dans les contours de l’entretien, en se soumettant à son oukase, l’opposition sénégalaise et tous ceux qui, croyant bien faire, sont allés lui donner l’imprimatur dont il rêvait ont trahi la nation.
– [ ] Ce qui le confirme c’est qu’aucun d’entre-eux, probablement parce qu’ils étaient éblouis par les lambris de la République, n’a eu le cran d’engager une discussion grave, sérieuse, à la hauteur du péril et des enjeux de l’heure.
– [ ] La loi d’habilitation, c’est-à-dire le coup d’état institutionnel qu’il préparait, fut validé avec des remarques superficielles émises du bout des lèvres. La voie royale lui était dès lors tracée…
– [ ] Les violations des droits de l’homme, les arrestations illégales, les assaults contre la démocratie électorale et politique, l’aliénation de la souveraineté nationale furent aussi trop sensibles pour être évoqués.
– [ ] On se garda de mettre sur le tapis les braquages des ressources naturelles du pays, en particulier son pétrole et son gaz, et rien ne fut mentionné des dérives économiques ayant placé le pays dans une situation d’impreparation totale face à la pandémie. Aucun d’eux n’osa parler de la vanité folle de vouloir construire un stade olympique de plus de 150 milliards pour des Jeux hypothéqués. Encore moins formuler la moindre critique sur le fait que pas un seul hôpital n’a été construit dans le pays depuis qu’il est malheureusement à sa tête du fait d’un vote qui a scellé la malédiction sur le pays depuis lors.
– [ ] Les forces de l’ordre qui malmènent les populations, la pauvreté généralisée, l’endettement national intenable, l’insécurité ambiante et l’absence d’équité dans le fonctionnement d’un État capturé par des intérêts privés, obscurs et étrangers, avec des relais locaux, rien de tout cela ne figura dans les échanges.
En réalité, tout fut unilatéralement structuré. Et, à l’arrivée, comme pour clore leur sketch de la honte, les visiteurs du palais en sortirent tous répétant le même élément de langage.
Nous approuvons, dirent-t’ils, à l’unisson, les mesures contre le Corona qui ont déjà été prises et nous nous mettons derrière le…général Macky, pour reprendre le mot du primate poissonnier Pape Diop, l’un d’entre-eux.
Déculottée
L’opposition sénégalaise s’est donc déculottée. Elle a donné la légitimité à quelqu’un qui ne l’avait pas. En se rendant à ces audiences théâtrales, elle ne s’est pas que ridiculisée; elle a trahi celles et ceux qui croyaient encore qu’elle pouvait produire un leadership alternatif crédible.
Fermons vite ce théâtre de la honte. Le Corona ne justifie pas une compromission aussi crasse.
Je pense, chers compatriotes, qu’il est temps, reprenant Baudelaire, d’aller au-delà du connu pour trouver du nouveau.
Osons! Osez ! Il n’y a pas d’autre choix: la crise du Corona est disruptrice, et rien, ni pendant ni après, ne sera plus comme avant ! Sur les ruines d’une opposition qui s’est suicidée, en même temps qu’un régime illégitime, par une co-contamination mortelle, le moment de rebâtir un Sénégal nouveau avec des hommes et femmes, capables, rigoureux, éthiques, nationalistes et modernes, réactifs et prospectifs, sonne.
Ne le ratons pas !
C’est le vrai enjeu que porte cette crise finalement non pas sanitaire mais salutaire…
Adama Gaye, Le Caire, 3 Avril 2020