Le président de l’Alliance Générationnelle pour les Intérêts de la République (AGIR), Thierno Bocoum n’est pas convaincu par la démarche du Gouvernement et de l’assemblée nationale pour l’adoption de la loi d’habilitation. Dans une note reçue à iGFM, il souligne des incohérences dans le processus et invite le gouvernement et l’assemblée nationale à fournir des explications sur un certain nombre de questions qui préoccupent les sénégalais.
Loi d’habilitation : Questions au gouvernement et à l’Assemblée nationale
Dans un style d’urgence, je vous pose les questions suivantes :
Au gouvernement
Pourquoi mettre dans un même projet de loi, une loi d’habilitation et une loi de prorogation de l’Etat d’urgence ?
Ce sont deux lois différentes qui sont séparément traitées par la Constitution sénégalaise.
Quand la première loi est prise en compte par l’article 77 de la Constitution, la deuxième loi quant à elle est prise en compte par l’article 69 de la Charte fondamentale. Et aucune disposition constitutionnelle ne lie les deux domaines.
Pourquoi ce décalage entre le discours du président de la République et le projet de loi d’habilitation ?
Le 23 mars 2020, le président de la République dans son adresse à la nation, avait déclaré :
«Conformément à l’article 77 de la Constitution, je saisirai l’Assemblée nationale d’un projet de loi habilitant le Président de la République à prendre, pour une durée de trois mois, des mesures relevant du domaine de la loi, afin de faire face aux impératifs d’ordre budgétaire, économique, social, sanitaire et sécuritaire de la lutte contre le Covid-19.»
Pourquoi les mesures sociales n’ont pas été adjointes au projet de loi alors qu’elles avaient été énumérées parmi les mesures entrant dans le cadre de la loi d’habilitation par le président de la République ?
Pourquoi l’article 1er du projet de loi d’habilitation n’a pas précisé que les impératifs étaient liés au COVID-19 comme l’avait si bien précisé le président de la République ?
Pourquoi juste se limiter à écrire «(…) faire face aux impératifs d’ordre budgétaire, économique, sanitaire et sécuritaire.», sans aucune autre forme de précision ?
N’est-ce pas là une ouverture à tous les domaines. Et donc une violation des dispositions de l’article 77 de la Constitution qui dit clairement en son alinéa 2 : «Dans les limites de temps et de compétence fixées par la loi d’habilitation, le Président de la République prend des ordonnances qui entrent en vigueur dès leur publication (…). »
Le domaine de compétence n’est-il pas indéfini dans cette formulation ?
N’aurait-il pas été plus indiqué de respecter la loi en prenant la même tournure utilisée par le président de la République dans son discours ?
Pourquoi le président de la République a besoin de mesures budgétaires dans le cadre d’une habilitation alors qu’il dispose, entre autres, de deux leviers importants : un projet de loi de finances rectificative et des décrets d’avance ?
La loi de finances rectificative lui permettra de faire les aménagements budgétaires souhaités et le décret d’avance lui permettra de prendre en urgence des fonds publics à travers une simple signature. Les conditions cumulatives prévues par l’article 23 de la loi organique relative aux lois des finances dans le cadre d’un décret d’avance sont aujourd’hui bien remplies : l’urgence et la nécessité impérieuse d’intérêt national.
À l’Assemblée nationale
Comment pouvez-vous évoquer les dispositions des articles 19 et 68 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale pour justifier votre décision de réduire le nombre de députés présents à l’Assemblée nationale pour les besoins du vote de la loi d’habilitation ?
Du point de vue de la hiérarchie des normes juridiques le règlement intérieur de l’Assemblée nationale ne peut pas prendre le dessus sur la Constitution qui dispose en son article 64 : «Le vote des membres de l’Assemblée nationale est personnel. Tout mandat impératif est nul.»
Thierno Bocoum
Président du mouvement AGIR