La Justice gambienne a annulé, ce mardi, une décision de révocation prise naguère par le Président gambien Adama Barrow, contre une citoyenne, Ya Kumba Jaiteh, membre de l’Assemblée nationale du pays. Le juge Hassan B. Jallow, a déclaré que cette décision est nulle et non avenue. Et mieux, la nomination de son remplaçant «est inconstitutionnelle, nulle et non avenue», précisent nos confrères de Seneweb qui reprennent la presse gambienne.
Une belle leçon de justice. Car, d’après les observateurs, ce serait la première fois dans ce pays sorti de plus de 20 ans d’autoritarisme de Yahya Jammeh, que la Justice annule un décret présidentiel.
Au Sénégal, déjà dans les années 60, la Cour suprême s’était illustrée en annulant un décret présidentiel qui chassait des étudiants de l’Université de Dakar.
Mais, en Gambie, le contexte est tout autre. La Justice était affidée au pouvoir exécutif de façon à lui être totalement soumise. On me rétorquera que c’est comme ça en Afrique et que même le Sénégal souffre plus ou moins de ce mal avec un Conseil constitutionnel qui, en matière électorale, a du mal à convaincre de son indépendance.
En tout état de cause, l’exemple du juge gambien montre que l’indépendance, ça s’arrache. Elle ne se donne pas. Le juge Jalloh a décidé de prendre ses responsabilités et de faire jouir à la justice de son pays, les droits que les textes lui donnent, surtout en matière de contrôle de constitutionnalité des lois et des textes réglementaires.
Le contrôle de constitutionnalité étant par essence politique, le courage et la détermination du juge sont importants pour faire avancer les choses.
Comme quoi, en matière de justice comme dans beaucoup d’autres domaines, est indépendant celui qui veut l’être.
En général, comme c’est le cas au Sénégal, les textes offrent des garanties sérieuses d’indépendance aux magistrats, sauf à ceux du Parquet qui, d’ailleurs peuvent l’être une fois qu’ils sont debout pour plaider. On dit, à ce propos, que ‘’la plume est serve et que la parole est libre’’.
Malheureusement, le constat qui est fait, c’est que eu égard au fait que le Président de la République siège au Conseil supérieur de la magistrature aux côtés d’ailleurs du Ministre de la Justice, beaucoup d’hommes de l’art rechignent à s’inscrire en faux contre les désirs du prince.
Car, c’est une lapalissade de dire qu’il peut influer sur les affectations et sur d’autres paramètres qui peuvent toucher le travail du juge.
Mais, il se peut également qu’il ne se passera rien. Et que le Président de la République soit prêt à jouer le jeu. Mais, pour le savoir, il faudra que la Justice, au moment de rendre sa sentence, n’ait en tête que de dire le droit. Et il faudra une certaine dose de courage pour cela.
Il est curieux d’ailleurs que lors de la Rentrée des cours et tribunaux, que le thème de ‘’l’indépendance de la Justice’’ ne soit pas choisi. Il est important, de la part du Président de la République, de poser le débat de l’indépendance, même s’il connaît, par ailleurs, toutes les mesures à prendre pour que Thémis reste cette belle dame admirée de tous.
L’Union des magistrats du Sénégal (UMS) a déjà réfléchi sur la question et donné ses recommandations. Le juge Dème a enfoncé le clou à sa façon. Experts et observateurs ont déjà fait leurs analyses.
Mais les affaires Karim Wade et Khalifa Sall nous ont rappelé que les habitudes sont têtues et que nous gouvernants ne sont pas prêts à accorder à la Justice son véritable pouvoir.
Ils redoutent, toujours, ‘’le gouvernement du juge’’ qui est, à y regarder de près, un faux débat.
Assane Samb