Interrompre le chef de l’État, le huer ou enfariner son cortège. Peu importe pour les activistes. L’essentiel est de se faire entendre. Une méthode qui, selon Momar Thiam, expert en communication politique, est certes agressive, mais garantit une valeur ajoutée médiatique.
En Angleterre, le chef de l’État Macky Sall, qui a pris part ce 20 janvier, au Sommet Grande Bretagne-Afrique sur l’investissement, a rencontré ses partisans à Londres. Mais, son discours avec nos concitoyens sera soudainement coupé par les cris perçants d’une dame dénommée Mbayang Camara, qui réclamait la libération de Guy Marius Sagna et Cie. Elle a également dénoncé « la mauvaise gestion des ressources naturelles » avant d’être évacuée de la salle. La vidéo a fait le tour de la toile.
Cet incident semble indiquer que les activistes ont trouvé une nouvelle stratégie pour atteindre le Président. Intouchable à domicile, Macky Sall est plutôt une cible « vulnérable » à l’extérieur.
En avril 2018, dans un contexte préélectoral, le cortège du Président Macky Sall avait été enfariné à l’Hexagone par des contestataires qui ne voulaient pas d’une loi sur le parrainage des candidats à l’élection présidentielle de 2019.
Selon Momar Thiam, ces formes de lutte prennent leurs sources dans une forme d’indignation populaire qui part du Sénégal et qui atteint la Diaspora. Joint par Seneweb, l’analyste politique rappelle que cette forme de manifestation n’est pas nouvelle.
« De 2010 à 2012, le Président Abdoulaye Wade faisait l’objet de huées. Je me souviens d’un de ses déplacements aux États-Unis où c’est justement Souleymane Jules Diop qui avait interrompu son allocution pour crier haut et fort son indignation devant ce qu’il estimait être une situation désagréable pour le Sénégal. Selon lui, le principal responsable était Abdoulaye Wade d’autant plus qu’à l’époque, Souleymane Jules Diop faisait son émission ‘‘Deug Deug » où il fustigeait avec acharnement le régime ».
Avant de poursuivre : « on a vu aussi que le Président Macky Sall, devant les questions de bonne gouvernance, devant les questions de répression policière, fait toujours l’objet de récrimination à l’étranger. »
Pour Momar Thiam, cette manière de combattre prend de l’ampleur surtout avec les nouvelles technologies.
« Certains opposants savent pertinemment qu’aujourd’hui on est dans l’univers des nouvelles technologies de l’information et de la communication avec les réseaux sociaux. Au-delà de la médiatisation institutionnelle, c’est-à-dire des médias qui sont invités, ces personnes filment avec leurs Smartphones pour faire un coup d’éclat. Nous avons par exemple le cas de Tounkara qui fustige tout le temps le gouvernement et le président de la République, c’est la même chose pour Assane Diouf, qu’on appelle l’insulteur public ».
L’analyste politique de soutenir que ce qui s’est passé à Londres avec cette dame qui a interrompue le Président Sall, c’est juste une continuation de ce qui se passe ici avec les mouvements de la société civile à savoir Noo Lank, Y’en a marre entre autres.
« Tout cela participe à une nouvelle forme de communication d’opposition qui se manifeste davantage parce que ces groupes de personnes savent pertinemment que leurs propos seront relayés sur les réseaux sociaux et vont atteindre un certain niveau ».
Momar Thiam de faire savoir que cette forme d’opposition traduit une certaine d’indignation d’une partie de l’opinion publique devant ce qu’il appelle la mal gouvernance, la répression tous azimuts de l’État contre des manifestants, le non-respect de la liberté d’expression, etc.
« Cette opinion estime que ce sont des entorses à notre démocratie et qu’il faut combattre cela avec le moyen dont elle dispose ». En plus, souligne-t-il, ces faits sont davantage l’œuvre d’activistes que d’opposants. « Les personnes qui font cela ne sont pas dans des chapelles politiques nommément identifiées. Ce sont des personnes qui appartiennent à des mouvements de la société civile ».
De l’avis de l’analyste politique, la méthode est certes « agressive », mais elle a sa valeur ajoutée médiatique. « C’est relayé non seulement par les réseaux sociaux mais c’est aussi relayé par les médias classiques ».