Le PAIGC a perdu la présidentielle au cours du second tour tenu ce 29 décembre 2019. Si l’on juge par les résultats définitifs de la Commission électorale, le candidat de Modem-G15, Embalo, a définitivement remporté la victoire avec un écart de plus de 7% des voix, grâce à un report notamment des candidats malheureux Nino Nabian et Mario José Vaz à peu près 13 et 12% du scrutin au premier tour.
Aujourd’hui, alors que le monde entier se félicite de la tenue du scrutin supervisé par la communauté internationale et la Cedeao, voilà que la Cour suprême du pays vient de demander un recomptage des voix. Bizarre décision qui intervient après la proclamation définitive des résultats.
Or, dans une autre démocratie, la décision de la Cour suprême serait intervenue justement avant la proclamation définitive et non après. Mais, nous sommes en Guinée-Bissau.
Ici, et nous le soulignions dans une précédente chronique, le pays a toujours été pris en otage par le parti-Etat, le PAIGC. Et ayant perdu la présidentielle pour la première fois, il est loin d’avoir dit son dernier mot. La réalité est que le candidat malheureux Domingo Simoes Pereira et ses soutiens, qui sont tapis dans l’Armée et au niveau de toutes les institutions du pays, ne vont pas facilement lâcher le pouvoir.
Il ne leur sera pas difficile d’instrumentaliser la Justice afin de créer les conditions de la légitimation de la poursuite du blocage institutionnel dans le pays.
Quand nous avons vu Vaz, l’ancien Président, pleurer parce qu’il tenait sa revanche sur Pereira, nous avions compris que la tâche sera très difficile pour Embalo.
En effet, depuis 2015, le pays est empêtré dans une crise institutionnelle grave entretenue par ces deux hommes : Pereira et Vaz.
Eh bien, si l’on y prend garde, c’est cette crise qui va se poursuivre. Car, et nous l’avons toujours souligné, le PAIGC a les moyens de semer le trouble, d’empêcher Embalo de gouverner en légitimant cela par une décision de justice pour le moins surprenante.
En effet, certaines hautes personnalités de cet Etat ont su profiter de la faiblesse de l’Etat pour développer des trafics en tous genres, dont celui de drogue, et faire de la Guinée-Bissau un Etat-narcotrafiquant. Ces gens n’ont aucun intérêt à ce que la démocratie et la normalisation s’installent.
Et dans tout cela, c’est le peuple bissau-guinéen et la Cedeao qui en pâtissent. En effet, l’institution sous-régionale souffre d’une mise en tutelle sécuritaire et politique d’un pays qui refuse de grandir.
N’eut été les troupes de la Cedeao, il y aurait la guerre civile ou plusieurs assassinats de personnalités, comme à l’accoutumée.
Alors, c’est à la Cedeao et à la communauté internationale de prendre les choses en main. La victoire de plus de 53% sur plus de 47% d’Embalo contre Pereira ne saurait être remise en cause par un soi-disant recomptage des voix.
Cette situation nous rappelle celle de la Gambie où, après avoir félicité son adversaire-vainqueur, Yahya Jammeh a justement remis en cause les résultats en demandant le recomptage des voix.
Eh bien, il a fallu toute la fermeté de la Cedeao avec des troupes déployées sur place pour négocier le départ de Jammeh en Guinée équatoriale.
Malheureusement, Pereira ne cédera jamais, d’autant plus que son parti est actuellement majoritaire à l’Assemblée nationale. Et il faudra la même fermeté pour lui faire entendre raison et éviter qu’il ne continue à instaurer l’instabilité politique et institutionnelle par l’instrumentalisation de certains hauts responsables du pays.
Assane Samb