Macky Sall, président du Sénégal « J’assume mon soutien à la France au Sahel »

par admin

Venu signer l’Initiative de Lomé, le chef d’État sénégalais évoque, en exclusivité pour le JDD, la lutte de son pays contre le terrorisme, et la politique franco-africaine

 

Comment s’illustre le trafic des faux médicaments dans votre pays ? 

Par des saisies régulières de camions entiers. De 50 à 60 % de ce trafic mondial concerne l’Afrique. C’est un tueur silen- cieux dont les méthodes sont de plus en plus difficiles à détecter. Comme un dollar investi dans ce trafic en rapporte 500, je vous laisse imaginer son taux de

pénétration dans les officines et jusque dans les hôpitaux.

 

Avec des profits énormes qui favorisent une corruption à tous les niveaux…

Ce trafic excelle avec la corruption. C’est pourquoi je me suis engagé dans une lutte farouche au niveau législatif pour dis- suader ceux qui seraient tentés de s’y soumettre. Le Sénégal a également signé la convention Médicrime. Et il a engagé la créa- tion d’une agence panafricaine du médicament afin de mieux coordonner la lutte contre les contrefaçons.

 

Comment lutter alors que ce trafic alimente aussi les terroristes ?

Il faut tarir les sources de l’un et de l’autre. Cela ne se fera pas en un jour et il faut que ce continent se dote de pionniers en la matière pour qu’on puisse affronter cet ennemi avec l’Union africaine puis au niveau international. L’Initia- tive de Lomé n’est que la première étape de ce combat.

 

Faites-vous partie de ceux qui remettent en cause l’efficacité ou le principe même de la présence militaire de la France au Sahel ? Non, j’assume ma solidarité avec la France et je plaide en faveur d’une coalition internationale contre le terrorisme au Sahel. Lorsqu’un grand pays européen s’engage dans ce combat, il faut le remercier et en appeler d’autres à le rejoindre. On l’a fait ailleurs pour la Syrie et l’Irak, pourquoi pas chez nous alors qu’on sait par- faitement que Daech est en train de renaître ici en Afrique ?

 

Pourtant, de plus en plus de segments de l’opinion publique au Sahel souhaitent que les forces étrangères s’en aillent…

À première vue, beaucoup croient que rien ne bouge et que la lutte contre les terroristes s’enlise et s’aggrave. Il y a beaucoup de manipulation dans tout cela. À qui profitent toutes ces critiques contre la France et ses alliés africains sur le terrain si ce n’est aux terroristes ? Le Sénégal, lui, maintient son cap. Nous étions là dès le départ, sans attendre le mandat des Nations unies, et à la demande du Mali. Sept ans après nous avons tou- jours 1 300 soldats engagés aux côtés de la Minusma.

 

Quel bilan faites-vous de la volonté du président macron de changer la relation entre Paris et le continent ?

J’ai pu noter à son arrivée au pouvoir une grande volonté de chan- ger la pratique des relations, d’ins- taller son style personnel qui est à la fois jeune et décomplexé. Je crois qu’il a compris que l’Afrique de 2020 n’a plus rien à voir avec celle des années 1960, et que ma génération est née après les in- dépendances. On doit donc bâtir une relation plus pragmatique, gagnant-gagnant, en phase avec la compétition mondiale, dans laquelle l’Afrique doit tirer son épingle du jeu. Car il n’est plus possible, comme dans le passé, de s’endormir sur ses lauriers. g

ProPos reCueiLLis PAr F.C.

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