Devant les enquêteurs de la police, le chauffeur Samba Sow avait reconnu avoir exécuté froidement sa patronne Mme Fatoumatou Matar Ndiaye. Et lors de son procès pour assassinat devant la chambre criminelle du tribunal de grande instance (Tgi) de Dakar, il a livré un récit mensonger pour tenter de semer le doute dans la tête des juges et dérouter l’opinion sur sa culpabilité.
Un vrai petit menteur ! Ce triste procès nous rappelle l’affaire Me Babacar Sèye où les auteurs de cet assassinat avaient essayé de mener tout le monde en bateau comme l’avait si bien déploré le président de la Cour d’Assises d’alors, feu Arona Diouf. Une seule particularité, c’est que dans les affaires Fatoumata Matar Ndiaye et Bineta Camara (Tambacounda) comme dans presque toutes les histoires de cambriolage, de viol ou de tentative de viol suivi de meurtre, les malfaiteurs décident souvent de supprimer leur victime qui, si elle avait survécu, les aurait dénoncés. « Le Témoin » fait la reconstitution des faits et gestes pour cerner le phénomène.
Campons le débat dans l’affaire qui défraie la chronique : cité Lobatt Fall à Pikine, dans la banlieue dakaroise. a l’aube du samedi 19 novembre 2016, Mme Fatoumata Matar Ndiaye était poignardée à mort. a l’époque, les parents et voisins mettaient le meurtre voire l’assassinat sur le compte d’un cambriolage avorté. Hélas, le principal suspect de ce crime barbare n’était autre que le chauffeur de la victime, Samba Sow. forts d’éléments accablants et concordants, les enquêteurs du commissariat de Pikine renforcés par ceux de la division des investigations criminelles (dic) ont procédé à l’arrestation de Samba Sow. Plutôt, ce dernier, poursuivi par la clameur publique, avait été rattrapé avant d’être remis aux forces de l’ordre.
Sans se faire prier, il avait reconnu sans ambages les faits odieux c’est-à-dire avoir tué sa patronne Fatoumata Matar Ndiaye. « Je l’ai poignardée à trois reprises en appuyant sa tête contre le sol » avait-il avoué à la police. Sur le mobile du crime, Samba Sow avait révélé aux enquêteurs qu’il devait se marier prochainement et il lui fallait environ 300. 000 CFA à compléter pour la cérémonie. C’était la raison pour laquelle il s’était introduit à l’heure du laitier dans la chambre de sa patronne pour y voler de l’argent car il savait que des fonds se trouvaient dans l’armoire. trois ans seulement après les faits, devant la barre de la chambre criminelle de Dakar, l’accusé Samba Sow a pourtant tenté de jouer à l’amnésique voire à la folie comme s’il ne jouissait plus de ses facultés mentales et ne pouvait, en conséquence, plus se remémorer des faits. Morceaux choisis d’une tactique dilatoire sur fond de mensonges signée et soutenue par Samba Sow : « c’était le jour de mon anniversaire que je devais fêter en grande pompe. Donc je ne suis pas pauvre au point d’aller voler » ; « dans cette affaire, c’est un marabout qui a tranché la gorge à Fatoumata Matar Ndiaye avant de me donner le sang de cette dernière. Je l’ai bu ! J’ai été ensorcelé… » a lâché un Samba Sow à la fois hautain, confus et suffisant. pour tenter de divertir la chambre, il a semé des accusations à tout vent en citant de hauts responsables politiques de l’Apr qui auraient commandité son crime. Après avoir observé de près l’accusé, le procureur de la république a vu chez l’homme une absence totale de remords et un sentiment de victimisation. « Vous savez, l’erreur est humaine, mais persister dans l’erreur est diabolique. Ayez l’honnêteté de reconnaître votre crime comme vous l’aviez reconnu devant les enquêteurs de la police.
Pire, vous avez aussi tenté de tuer Adama Bâ qui est le fils de Fatoumata Ndiaye » a fait remarquer le maitre des poursuites en s’adressant à l’accusé. Justement, dieu a fait que le seul et unique témoin de ce drame a survécu. appelé à la barre, Adama Ba a déclaré avec force détails que l’accusé s’était introduit dans la chambre de sa défunte maman pour voler avec l’intention de tuer puisqu’il était en possession d’un couteau. « Quand j’ai surpris Samba Sow après son forfait, il a voulu m’éliminer avec le même couteau. Après m’être farouchement battu avec lui, il a finalement pris la fuite » a expliqué Adama Ba, fils de la victime. ces témoignages ne laissant aucun doute sur la volonté flagrante de tuer du mis à cause ont suffi au parquet pour requérir les travaux forcés à perpétuité contre Samba Sékou Sow. « S’il existait la peine de mort au Sénégal, je l’aurais requise » a soutenu le procureur visiblement excédé.
Dénégation systématique ou le charme d’un procès !
Dès le lendemain du procès, nos confrères ont rivalisé de titres incitatifs du genre : « révélations dans l’affaire Fatoumata Matar Ndiaye », « déclaration fracassantes », « rebondissements », « coup de théâtre au tribunal » etc. a l’analyse, rien de tout cela sauf des rebondissements dans les mensonges d’un demeuré ! on comprend nos chroniqueurs judiciaires si jeunes, si inexpérimentés au point d’ignorer que les dénégations systématiques et les mensonges éhontés font partie des charmes d’un procès. Mais aussi des armes dont disposent les accusés pour essayer de se tirer d’affaire. et surtout lorsqu’il s’agit d’un procès d’assassinat où les auteurs risquent la peine maximale. Toujours est-il que ce procès de l’assassinat de la défunte vice-présidente du conseil économique, social et environnemental (Cese) nous rappelle celui de me Babacar Sèye que nous avions couvert à l’époque devant la cour d’assises qui siégeait au cap-manuel. C’était en 1995.
Devant les enquêteurs de la compagnie de gendarmerie territoriale de Dakar (la fameuse gendarmerie de Thiong !), le principal accusé, Amadou Clédor Sène, avait d’abord reconnu sans difficultés avoir été l’instigateur de l’attentat ayant coûté la vie à me Babacar Sèye alors que le vice-président sortait du conseil constitutionnel à bord de sa voiture. le jour du procès, on s’en souvient, Clédor Sène s’était distingué par ses manœuvres dilatoires en citant d’honorables responsables politiques d’alors du parti socialiste (ps) au pouvoir. Une ruse qui avait fini par agacer le président de la cour, Arona Diouf, qui s’était écrié : « monsieur Sène, écoutez ! sur les commanditaires du crime, vous avez cité à tort d’honorables pères de famille qui n’ont que le crime d’être célèbres. et ils ne sont pour rien dans cette affaire dont vous avez reconnu être les auteurs » s’était offusqué le grand magistrat Arona Diouf.
Avant de poursuivre : « Vous avez déclaré également avoir jeté l’arme du crime dans le fleuve Sénégal. Pendant six mois, nous avions mobilisé tous les éléments des sapeurs-pompiers pour ratisser le fleuve. a l’arrivée, rien n’a été retrouvé ! Clédor Sène, vous avez mené tout le monde en bateau ! » s’était énervé le pourtant très calme président feu Arona Diouf
Tuer pour l’omerta ou l’impunité
Nos lecteurs conviendrons avec nous qu’aussi bien dans l’affaire Fatoumata Matar Ndiaye que dans celle de l’assassinat de me Babacar Sèye, les auteurs présentaient des similitudes dans l’art de flouer l’opinion, mais pas les juges. selon le ténor du barreau me Moustapha Ndoye, pourtant, le fait que des accusés se rétractent, une fois devant la barre, fait partie des mécanismes de défense. « Souvent, ils se rétractent sur le mobile du crime, c’est-à-dire les raisons qui les ont poussés à tuer, pour pouvoir bénéficier de circonstances atténuantes » ajoute notre éminent avocat à la cour.
Par contre, me cheikh Kouressy Ba soutient que les gens se différencient de par leur personnalité et leur moralité. « donc, chacun a sa façon de se défendre pour se tirer d’affaire. il est vrai que la dénégation ou le mensonge suscite toujours de l’incompréhension de la part des justiciables. mais il faut reconnaitre ce droit aux accusés de meurtres ou de crimes. Ainsi va la justice des hommes » relativise me Ba pour avoir été, à plusieurs reprises, confronté à des prévenus ou à des accusés qu’il qualifiait en privé de « petits menteurs » !
Si l’affaire Bineta Camara, cette jeune fille tuée à Tambacounda, s’invite dans notre reconstitution des faits, c’est parce que le drame est survenu presque dans les mêmes circonstances que celles ayant entouré le meurtre de Mme Fatoumata Matar Ndiaye. Car, à Tambacounda, il est question d’une tentative de viol qui a mal tourné alors qu’à Pikine, il s’agissait d’une tentative de cambriolage. Pour n’avoir pas réussi à abuser de Bineta Camara, le vigile pape Alioune fallu l’a sauvagement assassinée. « Sous l’emprise de la colère, j’avais perdu mon self-control. Pire, elle m’a rabroué avant de m’opposer une farouche résistance. cela m’a poussé à commettre l’irréparable » a avoué le bourreau de Tambacounda en attendant un jour qu’il soit un petit menteur devant la chambre criminelle.
Partageant une singulière ignominie, violeurs et cambrioleurs ont usé de la même méthode à savoir l’élimination de leur victime pour éviter d’être dénoncés. Les enquêteurs de la police ou de la gendarmerie vous le diront, en matière de crime ou de délit, les auteurs se résolvent souvent à supprimer leur victime pour la réduire au silence. Ce, en se disant que si la victime survit, elle les dénoncerait à la police ou à la gendarmerie. Donc « tuer pour échapper » semble être la méthode barbare et sauvage la plus partagée chez les délinquants sadiques.
Lesquels se distinguent des autres par catégorie : si les uns s’adonnent au sexe (viol), les autres soustraient des biens (vol). Quelle que soit la place qu’ils occupent dans l’activité criminelle, ces assassins sont des êtres nuisibles à la société. Mais quand ils ajoutent à leurs crimes sordides des mensonges devant la justice des hommes au lieu de s’amender, il ne reste plus alors qu’à les conduire vers l’abattoir. C’est-à-dire les condamner à la peine de mort qui n’existe plus hélas dans notre arsenal répressif comme l’a regretté fort justement d’ailleurs le procureur qui a officié lors du procès de samba Sow !