Le Président de la République a, lors de la cérémonie de rentrée des cours et tribunaux, hier, annoncé la conception d’un nouveau projet de loi portant sur la sécurité intérieure.
Le souci exprimé est de fermement lutter contre le terrorisme. Mais l’exposé des motifs inquiète.
Si en effet la lutte contre le terrorisme doit mobiliser toutes les nations et leurs populations, il n’en demeure pas moins que les démocraties modernes ont, au fil de longues luttes, capitalisé des acquis importants dans le cadre de la consolidation des libertés individuelles et collectives.
Ainsi, la lutte contre le terrorisme ne saurait autoriser tous les abus. Ce faisant, on retournerait à l’Etat totalitaire, ce qui serait un grave recul.
Quand le Président de la République parle, de la part de l’autorité publique, ‘’de prendre des mesures adaptées et proportionnées au regard des risques encourus et des circonstances contre des attentats terroristes ou menaces avérées d’actions terroristes, le recrutement de personnes, la provocation terroriste ou l’apologie d’actes terroristes’’, cette allusion peut inquiéter. Car, il nous semble que c’est ce que font naturellement les autorités publiques. Face à une quelconque menace, les mesures ‘’adaptées et proportionnées’’ ont été prises et nous ne voyons nullement la pertinence de légiférer, encore là-dessus.
Mieux, l’allusion sur l’apologie du terrorisme suscite, de notre part, les mêmes réserves. Le cas Imam Ndao est là pour nous rappeler le risque qu’il y a à créer des infractions du genre ‘’apologie’’ qui, en droit pénal renvoient, techniquement, à l’intention criminelle sans commencement d’exécution.
Quand quelqu’un exprime une intention sans poser aucun acte dans ce sens, nous ne voyons pas comment et pourquoi la société devrait le punir.
Or, l’apologie du terrorisme punit manifestement l’expression d’une intention.
Ici, on risque d’aboutir aux mêmes dérapages. La preuve, quand Macky dit qu’’’il n’est plus question d’accepter que l’on vienne nous prêcher un Islam autre que celui authentique de paix, de concorde, de tolérance et de respect que le Sénégal pratique depuis des siècles’’, nous entrons de plain-pied dans l’intolérance religieuse.
L’Etat en peut interférer dans les convictions religieuses des uns et des autres. Il y a les confréries au Sénégal et il y aussi les autres qui ont le droit de vivre tranquillement leur foi dans le respect de l’ordre public. Si une loi vient légiférer dans ce sens, elle met en situation de hors-la-loi de nombreux Sénégalais qui n’arrêteront jamais de pratiquer.
Ainsi, au lieu de créer les conditions d’un apaisement social, ce type de loi peut exactement favoriser le contraire en poussant les uns et les autres, parce que stigmatisés, à se radicaliser.
En clair, nous savons que le Sénégal est assez outillé, juridiquement, pour réprimer tous les actes criminels surtout portant sur le terrorisme.
Corser la loi, c’est créer les conditions de violation des libertés des citoyens sans garantie d’efficacité dans la lutte.
Ce qu’il faudrait plutôt, c’est renforcer les actions de sensibilisation, faire participer les citoyens à la lutte, renforcer les capacités opérationnelles des forces de défense et de sécurité, améliorer le renseignement et la coopération internationale, notamment auprès des voisins africains.
Jusqu’ici, le Sénégal s’en tire assez bien. Parce que les mesures prises sont sans doute efficaces.
Du coup, il faudra éviter tout excès de zèle qui pourra porter un coup fatal aux efforts énormes déjà consentis.
Assane Samb