L’ancien ministre et maire de Saint-Louis, Cheikh Bamba Dièye, a reçu avant-hier une visite de courtoisie de l’ancien maire de Dakar, Khalifa Ababacar Sall. Même s’il refuse de trahir les secrets de leur conversation, le leader du Front pour le socialisme et la démocratie/Benno Jubël (Fsd/Bj) soutient qu’il restera toujours une forte probabilité qu’ils fassent des choses ensemble. De même qu’avec Ousmane Sonko, leader de Pastef/Les Patriotes, avec qui les rencontres entre leaders de l’opposition sont devenues fréquentes.
L’ancien maire de Dakar Khalifa Sall vous a rendu visite avant-hier à Saint-Louis. De quoi avez-vous discuté ?
J’ai été très honoré par la visite de courtoisie de Khalifa Ababacar Sall chez moi. Il est un ami. Nous avons discuté entre amis, entre leaders politiques. Nous avons plus parlé de nous, du combat que nous avons mené, que d’autres choses.
Vous avez un projet en commun ?
Je ne peux rien dire pour le moment. Il restera toujours une forte probabilité qu’on fasse des choses ensemble. Tout est à l’état embryonnaire. C’était une visite purement amicale et fraternelle entre deux personnes qui ont combattu ensemble.
Le chef de l’Etat a instauré le «Cleaning day» au Sénégal. Le week-end dernier, il y avait une opération de nettoiement dans toutes les communes du Sénégal. Comment trouvez-vous l’idée ?
Nous sommes dans un monde globalisé. L’Homme a atteint aujourd’hui un niveau de développement tel qu’il est inconcevable que des gens puissent vivre dans des ordures. Sur le principe, c’est un peu tard que l’on prenne le taureau par les cornes. Gérer les ordures, ce ne sont pas des slogans. Ce ne sont pas des opérations coups de poings qui vont le faire. Il y a plus important. Il faut une éducation citoyenne et une action organisée et décentralisée à tous les niveaux. Il faut utiliser les outils de communication, la formation, la sensibilisation permanente pour forcer les gens à aller dans cette direction. L’Etat doit mettre les moyens à la disposition des collectivités locales tout en leur mettant la pression pour que la propreté de nos villes et nos établissements humains devienne une réalité. Décentraliser les moyens de collecte et de traitement des ordures ménagères de telle sorte que toutes les collectivités soient mises sous pression pour pouvoir assurer leur mission. Combiné avec l’éducation citoyenne, on peut avoir des résultats. C’est bien tout ça. La propreté est capitale pour la survie de l’être humain. Et on en a connu tellement ! Pour être sérieux, pour prétendre à une propreté de qualité, il faut que l’esprit soit propre, le cœur soit propre… Cela pose un problème de gouvernance publique. Il faut plus qu’une opération coup de poing. «Cleaning day», c’est juste un slogan. Et ce n’est pas sérieux. Sortir de sa maison, se faire accompagner par deux ou trois journalistes, des photographes et des cameramen pour faire comprendre qu’on a balayé. Ce n’est pas cela la propreté. Il y a un principe de base. Pour rendre un pays propre, il faut que les décideurs se fassent violence pour qu’il y ait la propreté dans leur cœur, dans leur tête en terme d’idées et dans leurs actions. Parce que si on est tordue, si on fait les choses de travers, quels que soient les moyens qu’on mettra entre ses mains, vous les verrez toujours de travers.
Les actions ne sont donc pas propres ?
Si on les arbitres à l’œil de la transparence qui doit être dans l’utilisation de la gestion des deniers publics, si on regarde le phénomène de la corruption, si on regarde les investissements non prioritaires et la pauvreté généralisée dans le pays, la propreté n’est pas au rendez-vous dans les actions.
A une question relative à un éventuel troisième mandat, le chef de l’Etat a fait dans le clair-obscur. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Le débat sur le troisième mandat est inutile, inapproprié et cela n’a pas de sens. La Constitution du Sénégal à régler le problème. Quand un président de la République du Sénégal doit se prononcer sur l’éventualité d’un troisième mandat, je pense qu’il y a problème. Il ne faudrait pas que l’on fasse exister un problème qui n’existe pas. Le jour où il viendrait pour demander un troisième mandat, ce sera un coup d’Etat constitutionnel. Son argumentaire relativement à dire qu’il ne dit ni «Oui» ni «Non» pour ne pas susciter une polémique dans son parti, cela ne nous lie pas. Les problèmes internes à son parti ne nous intéressent pas. Il est le gardien de la Constitution qu’il a fait voter. La loi constitutionnelle est très claire sur ce point. Je ne peux pas comprendre que des problèmes internes à un parti devienne des préoccupations nationales.
Que pensez-vous des révélations sur des rencontres secrètes entre Macky Sall et Idrissa Seck ?
Je ne suis pas membre du parti Rewmi. Je ne peux donc pas parler de choses que j’ignore et dont je ne connais rien du tout. La vie interne des partis politiques, ce n’est pas ma tasse de thé. Ce sur quoi j’insiste, c’est que l’opposition sénégalaise doit apprendre à travailler ensemble et à respecter les positions des uns et des autres et à avoir des postures qui vont dans le sens de la consolidation, de l’unité de l’opposition et dans notre souci commun de travailler pour la grandeur de l’opposition. Les positions internes au parti, je laisse à chacun la liberté de faire ce qu’il juge être faisable le concernant. Ce qui est important, c’est pour qu’une opposition soit crédible, elle a besoin de parler d’une seule voix, de mettre en place des systèmes de solidarité, de tolérance entre ses membres et aussi de prendre de la hauteur pour consolider les base d’une opposition franche, juste, honnête, crédible et porteur d’espoir. L’opposition a besoin de parler d’un seul et même langage pour être crédible. Nous devons nous concentrer suffisamment sur les préoccupations des Sénégalais et faire en sorte que les conditions de vie des citoyens soient améliorées. Que la transparence, le respect des deniers publics soit au rendez-vous. On ne peut pas parler de gestion sobre et vertueuse au vu de l’endettement intérieur, des investissements inappropriés massifs qui nous coûtent énormément d’argent par rapport à nos priorités laissées en rade. Au vu des atteintes des libertés individuelles, la gestion sobre et vertueuse n’est pas au rendez-vous.
Cette concertation que vous prônez est la raison de vos rencontres fréquentes avec le leader du Pastef Ousmane Sonko ?
Je ne dirais rien là-dessus. On en parlera le temps opportun. Nous sommes deux membres de l’opposition, d’éminents députés de même bord, c’est normal que nous tenions des discussions. Tout comme Khalifa Sall, Ousmane Sonko est un ami avec qui j’entretiens d’excellents rapports et pour qui j’ai de l’estime. Pour le reste, l’avenir nous dira.
AÏDA COUMBA DIOP