MEILLEURS VŒUX DU PRÉSIDENT POUR…2024 !

par admin

Les contrariétés ont été nombreuses ces derniers mois pour Macky Sall. Pêle-mêle, les affaires du petit frère, les dissidences au sein de l’APR sur fond de troisième mandat, la hausse du prix de l’électricité, les activistes aux portes du Palais, l’épisode diplomatique du Comité des droits de l’homme, il était difficile d’envisager un pire démarrage de deuxième mandat ! Voilà, c’était sans compter sur le Dialogue national entre le président et « ses » opposants pour mettre du baume au cœur des sénégalais en cette fin d’année 2019 et en ce début d’année 2020.

Malgré mon ton persifleur, le Dialogue national ne nuit pas à la santé de la démocratie ! Il est indispensable en cas de crise politique et socio-économique aiguë. Et à fortiori lorsque le régime démocratique fonctionne mal ! Chaque pays, sous des formes différentes, y a recours à un moment critique de son histoire politique. Par exemple, eu égard à la dégradation de la situation dans tout le pays, Louis XVI convoqua, le 4 mai 1789, les Etats généraux où les 3 ordres (clergé, noblesse et tiers- état) étaient représentés. Le Roi ambitionna de restaurer une mutuelle confiance et un « amour réciproque » entre le souverain et ses sujets, et d’apporter le plus promptement possible un remède efficace aux maux de l’Etat. Ainsi pensait-il sauver sa tête !

Le Sénégal serait-il au bord du gouffre pour recourir à ce qui ressemble à des Etats généraux ? Pourquoi, après un large succès à l’élection présidentielle de 2019, Macky Sall se presse-t-il pour consulter « son » opposition et « sa » société civile, si souvent minorés lors de son premier mandat et lors de la suppression du poste de premier ministre ? Pour restaurer une mutuelle confiance comme sous Louis XVI ? Pour rétablir l’Etat de droit qu’il a méthodiquement déconstruit, se rapprochant dangereusement d’une monarchie républicaine ? Pour disposer de cahiers de doléances de son peuple sous forme d’un rapport ?

Pour 2024, pardi ! Pour un troisième mandat direct-assumé ou indirect-déguisé (désignation d’un successeur) ! Le Dialogue national serait utilisé comme une énième fourberie de Macky Sall. Malgré les difficultés réelles de sa gouvernance et les dérives démocratiques certaines, le président sénégalais veut avoir une longueur d’avance pour que l’histoire ne se répète pas avec les Assises nationales initiées par l’opposition sénégalaise de 2007 et parachevées par la journée historique du 23 juin. Son ni oui ni non lors du discours de fin d’année, ne convainc personne et s’inscrit bien dans un jeu politique clair dont l’étape du Dialogue national en fait assurément partie !

Le plan politique de Macky Sall. Dans son discours du 18 juin 2018 en réaction au dialogue sur le pétrole et gaz, Mamadou Diop Decroix est peut-être celui qui décrit le mieux le système Macky Sall : « Le président de la République, comme à son habitude, lance un os à ronger. Il n’appelle au Dialogue que lorsqu’il a fini de signer. Une équipe qui pose ce type d’actes peut-elle bénéficier de la moindre confiance (…) ? ». Il poursuit avec un constat qui fait froid dans le dos : « Le système Macky Sall est dangereux. Son seul principe, c’est sa survie. Tout ce qui peut compromettre sa survie doit être impitoyablement néantisé y compris la loi elle-même, tandis que tout ce qui peut favoriser sa survie répond au référentiel et aux normes. C’est cela qu’on appelle dictature ».

La mise en œuvre du plan de Macky Sall en faveur de sa survie et subséquemment d’un troisième mandat direct ou indirect – les deux étant intimement liés, s’appuie sur :

1) La « schizophrénie » de certains politiques. Le temps des retrouvailles entre le président et « ses » opposants a été long depuis la journée du Dialogue national (28 mai). La mise en place du Comité de pilotage a été laborieuse depuis le décret présidentiel du 3 juillet. D’où des poignées de main bienveillantes et des sourires complices en ce 26 décembre 2019, dans la salle des banquets du Palais présidentiel ! Mamadou Diop Decroix, participant au Dialogue national, avait répondu, sous un ton général de donneur de leçons, à un de mes éditoriaux dans les termes suivants : « Rencontrer Macky Sall ne peut pas être en soi un crime ». C’est l’exemple type du dédoublement de la pensée politique : Parler au président n’est pas un crime alors qu’il commet concomitamment, selon Decroix, des forfaits contre la démocratie, il l’assimile même à un Dictateur (le 26 décembre, Guy Marius Sagna était toujours en détention) ! Parler avec Macky Sall n’est pas un crime, alors que, toujours selon Decroix, tout ce que le président de la République met en place, comme le Dialogue national (interprétation analogique), est au service de sa propre survie ! Allez donc y comprendre quelque chose !

2) L’isolement des vrais opposants. Macky Sall, dès son accession, le 2 avril 2012, ne veut pas de vrais opposants à son régime. Lors de son premier mandat, il les met aux arrêts pour les plus récalcitrants, les chasse du pays pour les plus dangereux d’entre eux, les pourchasse si nécessaire avec le chantage politico-judiciaire à la clé. Et ça marche ! Ce 26 décembre, c’était le Dialogue national sans opposants ! Juste ceux triés sur le volet par Macky Sall ! Les vrais opposants, eux, ont un planning chargé qui, comme par miracle, arrange le président sénégalais ! Les non-participants du PDS livrent bataille pour que l’histoire AJ/PADS ne se répète pas ; tandis que PASTEF, bien esseulé, et sous la menace de poursuites judiciaires en diffamations publiques, doit tenir la dragée haute. La morale-Dialogue est sauve pour Macky Sall ! Ce dont il a besoin, c’est d’une opposition fragmentée, et de préférence occupée par ses affaires internes et judiciaires. Qui reparlent de l’affaire Aliou Sall ? Les frondeurs du PDS, aux côtés des Apéristes, pourfendent Sonko dans l’affaire des 94 milliards. Intérêts convergents ?

3) L’onction de la France. RFI, station de radio publique française, successeur de « Le poste Colonial », a accordé, 8 jours avant la mise en place du Comité du Pilotage du Dialogue national, une longue interview à Oumar Sarr. Le droit de réponse exercé par le PDS sur les ondes de RFI était une erreur de communication ! Simple coïncidence dans l’agenda politique de Macky Sall ? Comment permettre au mouvement Suqali Sopi, frondeur, dépourvu de toute légitimité démocratique et électorale, encore rattaché au PDS, de figurer à un Dialogue national sans le consentement de son Secrétaire général ? Appartenant à l’audiovisuel extérieur de la France, RFI donne une forme d’existence à un épiphénomène politique. C’est loin d’être un hasard ! La visite du premier ministre français, Edouard Philippe, mi-novembre, à Dakar, a permis de sceller le sort des opposants Karim Wade et Ousmane Sonko. La France n’en veut toujours pas, ni en 2019, ni en 2024 !

La crise du développement politique (de la Démocratie) au Sénégal. Jusqu’alors, le système politique sénégalais avait trouvé son équilibre entre la coexistence de l’ordre et du désordre, de l’ambiguïté et de la cohésion, du pouvoir visible et invisible, des alliances contre-nature et des convergences idéologiques, de l’Etat central et des autorités périphériques, et de la répression et du dialogue.

Aujourd’hui, ces équilibres régissant la société politique ne tiennent qu’à un fil. Le Dialogue national en est une triste illustration ! Le fameux équilibre politique sénégalais – je vous emprisonne, et, après votre sacrifice, on se salue entre frères, avec le sourire en prime et une poignée de main chaleureuse, sous couvert de la paix, de la stabilité et de l’intérêt supérieur de la Nation qui ont bon dos – a été incarné par la présence d’Oumar Sarr et de Mamadou Diop Decroix, entre autres, le 26 décembre 2019. Babacar Gaye, dans sa longue interview auto-glorifiante « Il faut sauver le soldat Abdoulaye Wade », reconnait lui aussi que, malgré l’emprisonnement de ses frères par Macky Sall, s’il voyait ce dernier, il le saluerait chaleureusement et l’embrasserait sûrement ! C’est le triomphe du cynisme politique !

Le frondeur du PDS est nostalgique de la lutte sacrificielle de Wade par la case prison le conduisant au Palais. Il érige l’emprisonnement comme principal mode de lutte et de chantage. Il fait de l’homme politique-lutteur l’acteur prédominant de la classe politique, dans un environnement masculinisme. Il participe à la légitimation de la violence de l’Etat car, in fine, il y aura la négociation ! L’Etat peut donc embastiller avec le feu vert d’une certaine opposition. Le peuple lui reste impassible devant ce jeu politique entre les membres de la caste politique. Il laisse faire car c’est un code de sorcellerie entre eux auquel il est habitué (en sus du syndrome de Dakar

 que j’avais déjà décrit) !

L’alternance au Dialogue national : la jeunesse sénégalaise. A partir du mois d’août, le PDS a été silencieux. Occupé par sa réorganisation sans doute ! Respectueux des efforts de réconciliation de Cheikh Mouhamadou Mountakha Mbacké ! Et de surcroît espérant voir enfin s’appliquer les observations du Comité des droits de l’homme de Genève qui n’est en aucun cas un deal ! Désillusions ! Bien que la révision fût étudiée au plus haut niveau de l’Etat, cette procédure pénale n’entrait ni dans les intérêts de Macky Sall et de son Dialogue national, et ni dans ceux de la France. Certains secrétaires nationaux du PDS ont récemment déclaré la fin de la trêve. Espérons qu’ils auront retenu la leçon ! Il faut impérativement que ce Parti redevienne celui de la défense des libertés publiques (abandonnée aux activistes) et s’adresse, sur les réseaux sociaux, à la jeunesse par un nouveau programme politique ambitieux. Sans oublier des projets que ce parti pourrait déjà réaliser dans le cadre de ses collectivités locales. Je pense par exemple au développement du sport qu’il ne faut pas abandonner aux seuls français !

Le peuple sénégalais avale des couleuvres par les renversements incessants de paroles de certains opposants, par les combinaisons politiciennes où l’on se joue de lui. Cette « sorcellerie » politique, constituée de violence-sacrifice-chantage-dialogue, de cynisme et d’intérêts personnels, ne peut plus servir de modèle à la jeunesse. Cette pratique politique a atteint ses limites d’existence. Nous sommes à l’ère du désenchantement politique ! D’ailleurs, ces opposants déclinent plutôt leurs états de service au passé. Tout en respectant le travail réalisé par leurs aînés, une nouvelle génération doit reconsidérer la pensée politique et réexaminer les institutions au regard des réalités d’aujourd’hui. Les partis de l’opposition doivent travailler à l’unisson dans cette direction.

« Il n’y a de sorcellerie que là où l’on y croit, n’y croyez plus et il n’y en aura plus », prophétisait Bathasar Bekker. C’est ainsi que les Etats généraux du 4 mai 1789 ont été les derniers d’un ancien régime finissant. Car le peuple français a cru en lui un certain 14 juillet ! Le Dialogue national du 26 décembre 2019, sera-t-il le dernier sous sa forme actuelle ? C’est à l’opposition d’en décider et à elle seule avec l’appui souverain du peuple sénégalais. Cette opposition doit être davantage dans l’initiative et doit créer de nouvelles méthodes de lutte politique pour ne plus tomber dans les pièges de Macky Sall et de son Dialogue national.

edesfourneaux@seneplus.com

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